The Lake House


THE LAKE HOUSE
d'Alejandro Agresti

The Lake House ou en français Entre deux rives (car oui comme vous l'avez remarqué le traducteur fou a encore frappé) est un film romantique. Il avait donc tout pour que je ne l'aime pas. Mais ça a été tout le contraire, il m'a séduite et m'a fait passer un moment hors du temps.

2006, kate est médecin et doit intégrer un hôpital à Chicago. Elle est obligée d'abandonner sa magnifique maison au bord d'un lac pour un appartement de standing en pleine ville. Elle laisse une lettre dans la boite aux lettres pour le prochain locataire dans laquelle elle dit son amour pour cet endroit et sa nouvelle adresse. Il glisse sa réponse dans la même «mail box» et commence une relation épistolaire surréaliste.

Si ce film est si touchant c'est que le réalisateur arrive à l'ancrer dans une réalité et même dans un quotidien qui peut être le notre, alors que le postulat que j'essaie de ne pas vous dévoiler est impossible. Ce sont des petites choses que le cinéma asiatique sait si bien faire, que ça ne m'a pas étonnée d'apprendre que ce film est l'adaptation américaine du film coréen "Siworae".
Pour s'enraciner dans une certaine réalité, le scénario fait échanger les personnages par lettres. Et si vous avez vécu une relation épistolaire (même si c'est du chat -bonjour, maître des clés de ce blog-), vous allez vous reconnaître. Si vous êtes restés a entendre devant votre boite à lettres ou si vous avez fixé pendant des heures votre écran, vous allez revivre toutes ses émotions. Jusqu'à sursauter lorsqu'un téléphone sonnera, en vous disant «est-ce que c'est bien lui?». Vous retrouverez ce sentiment extraordinaire d'ouvrir son cœur à quelqu'un que l'on ne touche que par les mots.
Le second point fort du scénario est qu'il arrive a reprendre le schéma de la comédie romantique d'en garder le rythme mais de faire fi des poncifs et des choses redondantes. Le film et sa chronologie étant particuliers, ça nous permet de ne jamais être perdu par la narration tout en étant surpris par ce que l'on nous raconte.

L'urbanisme et l'architecture sont utilisés de manière différentes, ils étayent le discours sur l'amour des protagonistes.
D'abord l'architecture qui a pour avantage de rajouter du concret dans notre scénario qui a toujours besoin de s'ancrer dans une réalité, pour crédibiliser l'histoire et que le spectateur se sente confortable face à elle. Ici elle est aussi un témoignage des sentiments d'un père qui ne sait pas parler à ses fils mais qui leur transmet sa passion pour cet art et tout ce qui l’entoure. Elle est leur point de convergence.
Il y a aussi une visite de Chicago très particulière; le réalisateur arrive à mettre nos pas dans ceux de Kate. On partage une expérience des plus séduisante, vous êtes à deux doigts de tomber amoureux de la personne qui l'a imaginée mais avant tout vous avez envie de visiter cette ville!

Quant à la maison du bord du lac, elle est sublime, avec son arbre planté en son milieu. Elle est irréelle et de fait elle a été construite pour ce film et pourtant elle donne en vie d'y vivre dedans. Et sa «mail box» si elle n'est pas virtuelle, est cependant un peu magique. Cette maison parle d'amour. Celle d'un homme pour son épouse. Il lui invente cette maison féerique mais il l'enferme à l’intérieur et finit par la perdre. L'amour d'un fils pour ses parents qui décide de racheter sa maison d'enfance pour réchauffer ses souvenirs. Ou l'amour d'un homme pour une femme qu'il perd. Il l'améliore pour qu'elle ne se sente pas enfermée. Et plus qu'une perspective pour cette maison de verre, c'est l'incarnation de sa vision de l'amour. Il accepte de la laisser partir si c'est ce qu'elle veut, ou de l'attendre, tant que l'amour pour lui est une considération supérieure il peut prendre le temps qu'il s'installe. Jusque dans sa forme elle est la représentation du sentiments amoureux. Elle a des formes épurées, sa transparence et ses couleurs sont belles et simples, elle est protectrice et elle permet à autre chose de fleurir, et on a tous envie de l'essayer.

Il y a une vraie réflexion dans la manière dont s'est filmé. L'image est légèrement dé saturée. Cela donne à l'histoire un coté doux. Les couleurs sont aussi recherchées, il y a en particulier des jolies palettes de vert et de bleu, tout en délicatesse et non sans rappeler les couleurs du lac. Cette recherche se retrouve même dans les tenues des protagonistes. Les éléments vestimentaires se répondent, comme le bleu roi du gilet avec lequel Alex travaille et la tenue bleue de docteur de Kate. Ou encore l'écharpe si particulaire d'Alex en laine rouge et le manteau de Kate dans la dernière partie du film. Un lien ténu entre les deux.
Le réalisateur joue aussi énormément avec la symétrie. Parfois c'est assumé et il matérialise l'axe de symétrie par une colonne ou un arbre ou un virage; d'autres fois c'est invisible mais c'est quand même là, présent dans notre esprit;un mur de verre. Puis lorsque l'histoire s'emballe il utilise ces mêmes particularités pour diviser l'écran et rajouter des actions à une image. Il arrive à le faire en légèreté pas de split screen moches, juste des images très étudiées. Comme lorsqu'il réduit la taille de l'écran en multipliant les éléments architecturaux, se fondant parfaitement dans le paysage et créant une intimité et faisant naître une magie.

Il y a aussi des manières ambitieuses de filmer ses personnages à certain moment, un face caméra de Sandra Bullock qui ne laisse pas la place pour la moindre faiblesse de l'actrice. Ou la manière dont il filme Alex au début du long métrage, légèrement en hauteur, l'habillant d'un mystère assez opportun.
Ce film doit beaucoup à ses acteurs, mais vraiment beaucoup. Car ils sont deux à tenir la baraque, et si les rôles secondaires sont bien, ils n'apportent pas grand chose à l'histoire. Et nos deux personnages doivent illustrer les mots, puis habiller avec finesse ce qu'il se passe.
Kate est incarnée par Sandra Bullock. Elle est subtile, et joue avec délicatesse un petit coté revêche. Elle arrive a donner corps à l'introspection de son personnage.
Alex est interprété par Keanu Reeves il arrive à le faire paraître super touchant et tout aussi solide. Son jeu irradie l'émotion pendant tout le film.

Ce long métrage m'a touchée, comme rarement un film l'a fait. Il est délicat, fort, et plein de convictions sur l'amour, et la vie. Autant de choses que je n'espérais pas trouver ici. C'est une superbe surprise qui peut être va me donner envie de voir d'autres films romantiques


Dodes'Kaden


DODES'KADEN
d'Akira Kurosawa

Dodes'kaden est le dernier film d'Akira Kurosawa que Wild Side a restauré et il conclut la série qu'ils éditent. Il est le premier film couleur du maître, et il détonne de ses films précédents.

Comme je viens de le dire, ce film est différent des autres à bien des égards.
C'est en premier lieu un film choral qui voit se croiser les vies d'une douzaine de personnes dans un bidonville à la fin des années 60. Il y a entre autre un père seul avec son fils qui vivent dans une deux chevaux; une mère et son fils en proie à des problèmes psychiatriques qui conduit toute la journée un tramway imaginaire, une adolescente exploitée par son oncle pendant que sa tante est à l’hôpital et tant d'autres...
ce film est le dernier de la tétralogie sur la misère qui compte Les bas fonds, Entre le ciel et l'enfer, et Barberousse. Il est par bien des aspects le plus dure . En premier lieu de par sa forme « chorale » qui ne nous aide pas à nous identifier ou à nous attacher aux personnages si nombreux qu'ils ont une exposition limitée. De plus les choix de couleurs audacieux nous sortent parfois de l'histoire, même s'ils ont tous un sens, que les choix sont mûris; ils m'ont de temps en temps décontenancés.
J'ai vu les trois autres films que je viens de citer et aussi Un merveilleux dimanche qui est dans la même veine qui convoque douleur et malheur et pourtant ils ne m'ont pas fait le même effet. Celui ci est un cumul de malheurs , même le bonheur des plus heureux est relatif. Quant à ceux qui ne le sont pas; c'est dure de soutenir ce qui leur arrive. On peut assister entre autre à l'agonie d'un enfant , au viol d'une jeune femme, voir des gens qui noient leurs quotidiens dans les limbes du saké... L'une des scènes a plus particulièrement était dans l’œil du cyclone ou plutôt de la Toho, une scène ou un enfant d'à peu près six ans fouille les poubelles pour se nourrir et nourrir son père. Cette scène le studio voulait qu'il la coupe. Le réalisateur a toujours refusé.
Le ton était donné, car la position de Kurosawa sur cette misère est claire et éminemment politique. Pour lui cette pauvreté est provoquée par les choix et l'industrialisation massive du pays. C'est le revers de la médaille de ce changement de mode de vie, ces constructions qui dévisagent le Japon pour lui, lui font perdre son identité et ses croyances. On est très loin des « feel good movies» qui sont sur les écrans au moment de sa sortie. On est face à la cruauté de la situation que l'on cache. Pendant les scènes de nuit on voit au loin les lumières minuscules de la ville.
Mais cette cruauté n’empêche pas la poésie. Je dirai même que dans l'univers toujours nuancé de ce réalisateur une telle horreur ne va pas sans quelque chose qui le contrebalancera, ici c'est de l'onirisme; car il n'y a pas d'ombre s'il n'y a pas de soleil. Et là c'est du bonheur pour nos yeux.
Le choix des couleurs principalement vives, y est pour beaucoup. il les décline de différentes manières. Il les fait se répondre en assortissant les habits des femmes avec leurs maisons et leurs rares équipements. Mais pas seulement, les pantalons de leurs époux, et les foulards qu'ils nouent autour de leurs têtes sont accordés. Ou encore lors d'une scène de viol, il couche délicatement la jeune femme sur un tapis d’œillets en papier rouges. Mais le plus surprenant est peut être, le maquillage quasiment le masque que l'on peint sur le visage d'un enfant et d'un adulte malade. Quelque chose entre un masque mortuaire et une décomposition. On oscille entre stupéfaction et fascination. Moi ce qui m'a le plus séduite, ce sont les dessins de tram du jeune homme qui sont magnifiques avec un éclairage normal, mais lorsqu'ils sont rétro éclairés ils se transforment en vitraux. C'est de la magie. Ces dessins à l'aspect enfantins ont été effectués par Akira Kurosawa. Je savais que sur certains films il avait peint ses storyboards, mais là l'investissement est colossal. Il y a un magnifique crépuscule qu'il a peint, et il y a tant d'autres choses.
Et si son investissement dans chacun des chapitres de son œuvre est légendaire, ce film a un écho particulier. Il signe la fin d'une période, jette les bases de la prochaine. Ce que le réalisateur teste sur la couleur, il l'utilisera sur d'autres films.
Il ne fait pas seulement la transition entre ses noirs et blancs somptueux et la couleur. Mais formellement il anticipe l'importance que va prendre la télévision et change sa manière de tourner. Il lâche prise aussi dans sa manière de diriger ces acteurs et d'aborder les variations de ses décors par apport à ce qu'il en attend. Si ce film nous parle d'une transition industrielle Il témoigne aussi sur celle d'une société ou les gens en habits traditionnels vivent d'une certaine manière avec des principes et des rigidités et ou d'autres très occidentalisés sont en mini jupes, tenues très colorées et se perdent dans l'alcool et ce qu'ils croient être la vie. Bizarrement le long métrage montre que ce sont ces gens coincés dans une périodes et des valeurs ancestrales qui sont les moins heureux.
Alors que ce sont eux qui ressemblent le plus a Kurosawa. Et même le vieil homme sage ne prend pas la place qu'il devrait. C'est ce jeune homme désorienté qui semble être son personnage principal. C'est lui qui chantonne le titre du film comme si le grand cinéaste se reconnaissait dans cet enfant qui conduit un tram imaginaire, et qui est la risée des autres. Ce grand homme a failli mourir à cause de ce film. son premier non succès et la fin de sa collaboration avec la Toho le pousseront à tenter de ce suicider. Lorsqu'il reviendra au cinéma, il refusera de tourner sur la misère, il percevra se thème comme un porte malheur.
Sa direction d'acteurs a changé aussi lors du film. Kurosawa les laisse improviser au maximum, et ils vont vers un jeu forcé quasi artificiel qui entre en résonance avec ces couleurs vives. Il met moins d'un mois à tourner ce film dont la première version durera plus de quatre heures. Il s'amuse des décors qui se détériorent et les utilisent. Et une bonne humeur assez inhabituelle envahit le plateau.


Tout cela donne à ce film un aspect très différent, et difficile. Il n'est pas aisé de rentrer dans son histoire, mais une fois qu'on y arrive c'est magnifique. Ce n'est pas avec ce film qu'il faut aborder l’œuvre de cet homme. Mais quand on aime sa maestria, et quand on aime le cinéma, il est fascinant quasiment hypnotique. Il est même difficile de se détacher de la voix du jeune homme répétant «Dodes'kaden» ce qu'on traduirait par tchou tchou.



Ce film est rare, il fait partie des rencontres qui vous enrichissent.
Ce film est dure, mais le magnifique travail qui est fait sur l'image, et la couleur lui permettent de faire passer un message en douceur. Et je suis infiniment reconnaissante de l'avoir vu dans ces conditions
Ce n'est pas la première fois que j'écris sur cette collection et je tiens à préciser la qualité des livrets qui vont avec les dvd et br, et combien ils nourrissent le visionnage du film et éclaire son contexte.
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Barberousse


Début 19ème siècle. De retour à Edo après trois ans d'études à Nagasaki, le jeune docteur Noboru Yasumoto est décidé à y faire une brillante carrière. Il rêve d'une nomination dans l'hôpital du Shogunat. Sa connaissance de la médecine occidentale et ses origines le destinent aux plus hautes sphères médicales. Mais sa première affectation l'envoie dans un quartier très pauvre de Tokyo, à la clinique de l'intransigeant Dr Niide dit "Barberousse". Égoïste et arriviste, le docteur est mécontent d'être aux ordres d'un médecin dans un endroit qui ne correspond pas à son diplôme et à son ambition. Mais peu à peu, Yasumoto surmonte son amère déception et s'attache aux malades et à son étrange patron. Barberousse est un médecin atypique au cœur pur entièrement dévoué à la cause des plus pauvres. En fréquentant les laissés pour compte de la société, Noboru s'humanise...
Barberousse – 3 Avril 1965 - Réalisé par Akira Kurosawa

« Poverty's a political problem they say. But what has politics ever done for the poor? Has a law been passed to get rid of poverty and ignorance? »

Cinquante deux ans ont passé depuis la sortie au japon de « Barberousse » et Akira Kurosawa a encore eu le regard juste sur son époque et sur ce qu'allait être le monde de demain. Un monde ou ne donne pas les moyens à son école de fonctionner correctement, ou l'on supprime 5 euros d'APL a des étudiants, ou les personnes dans le besoin sont des assistés, ou le personnel soignant est tellement a bout que les suicides se multiplient et ou l'on empêche des migrants de se nourrir et boire quand d'un autre coté on ne pense que compétitivité, facilité de licenciement, plafonnement des indemnités prud’homales et limitation dans le temps de l'assurance chômage! Alors comment peut on faire preuve d'humanité dans une société qui n'a plus le nom que d'humain ? Si ce n'est par l'altruisme le plus profond et le don de soi ! C'est ce que Akira Kurosawa développe ici, pendant 3 heures, à l'ombre du docteur Kyojio Niide plus communément appeler « Barberousse » !

Noboru Yasumoto est un jeune docteur qui vient de finir ces études à Nagasaki et qui ambitionne pour la suite de sa carrière, de devenir le médecin personnel du shogun. Sauf qu'a sa grande surprise, il est affecté au dispensaire local et se retrouve face à un monde qu'il n'avait pas choisi, celui de la pauvreté. Il découvre lors de son arrivée le dispensaire, que le docteur Mori lui fait visiter en détail, non sans une pointe de cynisme, soulignant l'odeur des pauvres et la dureté de leurs métiers. Il lui raconte aussi les conditions qu'imposent « Barberousse », l'intransigeant maître de ces lieux ! Lorsqu'il le rencontre, l'accueil est froid, mais il lui montre de l'attention, un altruisme étrange pour quelqu'un qu'on lui a dépeint comme un tyran. Mais s'estimant malgré tout floué par cette affectation, Yasumoto décide de faire ce qui est possible pour que « Barberousse » le renvoie, en commençant par refuser de porter les habits de médecin qu'on lui donne à son arrivée …


Pour Akira Kurosawa c'est la fin d'une ère et cela sur bien des plans. Tout d'abord ce film marque la fin de sa collaboration fructueuse avec son acteur fétiche Toshiro Mifune, c'est aussi la fin de son contrat d'exclusivité avec le studio « Toho » et son dernier film en noir et blanc. Mais ce n'est pas pour autant la fin de Kurosawa et ça il le prouve en ajoutant à son immense filmographie, un nouveau jidai-geki, son genre phare, une œuvre somme, un chef d’œuvre qui se nomme « Barberousse » !

Ce film est l'adaptation d'un roman, celui de Shūgorō Yamamoto intitulé « Akahige Shinryotan » sortie en 1958. Un auteur qu'il retrouve après avoir adapté « Jour de Paix » avec le film « Sanjuro » trois ans auparavant. Et pour ça, il s'entoure à nouveau de ses fidèles collaborateurs, comme Hideo Oguni, Ryūzō Kikushima et un nouveau en la personne de Masato Ide qu'il retrouvera sur « Ran » et « Kagemusha » quelques années plus tard. Si le film se nomme « Barberousse », le vrai héros du film, la figure principale c'est Yasumoto ! L'histoire principale se concentre sur lui, sur son insolence et sa vanité, des valeurs contraire à celle que prône son chef. Et tout consiste à montrer comment il va peu à peu devenir quelqu'un de meilleur et surtout de plus attentionné pour ses patients. Un changement que le personnage de « Barberousse » accompagne tout au long du film, non pas sans quelques réflexions bien senties, mais par l'exemple ! Une abnégation qui touche fortement notre jeune médecin, tout comme le destin de plusieurs patients, qui finiront de lui faire prendre une voie différente, plus simple, mais plus noble d'esprit !

Un récit emprunt de l'humanisme cher à Akira Kurosawa qui lui permet de développer plusieurs thèmes. Celui du « héros », de la relation « maître/disciple », de la transmission entre les générations et sur la maladie comme conséquence de la pauvreté et de l'ignorance. On retrouve donc deux formes de héros, celui plus classique et valeureux avec « Barberousse », mais aussi le héros du quotidien avec la figure du médecin (Attention pas le médecin moderne, qui passe ses patients à la file sans vraiment t'ausculter et qui ne fait que prendre ton argent). La relation Barberousse/Yasumoto, similaire a celle entre un élève et son sensei rythmera le film et Kurosawa met en parallèle cela avec le fait de transmettre ce que l'on sait à l'autre ! Une transmission inter-générationnelle évidente pour le réalisateur et que ses personnages mettent en pratique. Ce qui nous amène a parler du fond du film, celui qui est mis en exergue par « Barberousse » ! Ce médecin se consacre corps et âme à son métier et fait ce qu'il peut pour soigner ses malades, sauf qu'il n'est pas dieu et qu'il sait que c'est un combat de longue haleine qu'il ne peut mener seul. Une critique sans concession envers l'élite de son pays qui ne se préoccupe pas pour lui de la pauvreté, un constat amer qu'on constate de nos jours et que Kurosawa développera encore plus dans le film qui suivra « Dodes'kaden » !

En 1963 avec « Entre le ciel et l'enfer », Akira Kurosawa bat une troisième fois son record personnel au box office japonais, encore mieux c'est le film japonais qui a le plus de succès cette année là. l'Empereur comme on le nommait à donc eu les moyens qu'il désirait pour montrer à l'écran ce qu'il voulait (Décors grandeurs natures, bois vieux d'un siècle, costumes faits mains et vieillis avant le tournage) ! Le résultat est magnifique. Le réalisateur maîtrise son film du début à la fin et rythme idéalement le récit malgré la durée de trois heures. Un équilibre parfait entre rébellion et émotion, froideur et candeur, ou encore entre la vie et la mort. Une narration qui constamment se répond, par un habile jeu de miroir, ou Kurosawa alterne avec des moments de vies, des actes de médecines et des scènes plus tragiques et spectaculaires.


Puis que ça soit par le mouvement qu'il instille dans chaque scène, ou par la composition de ces cadres, c'est toujours pensé avec une extrême minutie, l'image fourmille de détails et rien n'est là par hasard. On peut ajouter à ça le travail des deux chefs opérateurs, Asakasu Nakai et Takao Saito, qui contribue à cette perfection visuelle, par ce joli noir et blanc légèrement vaporeux, voir doux, qui apporte cette lumière dans l'obscurité. Et il y a des scènes qui sortent du lot; la rencontre entre Yasumoto et Oyumi ou Akira Kurosawa raconte à la fois les traumatismes qu'Oyumi a subit, mais aussi la menace qu'elle représente désormais, avec l 'utilisation de la longue focale et une composition millimétré, écrasant la profondeur pour mieux nous emprisonner comme Yasumoto ! On trouve aussi la scène de bagarre ou « Barberousse » se bat avec une douzaine d'hommes à la solde d'une maquerelle qui ne veut pas laisser une petite fille se faire soigner. Une scène qui a pris de l'ampleur par rapport au livre, mais qui bénéficie de la maestria de Ryu Kuze pour la chorégraphier, sur la science du cadre de AK et sur les capacités de pratiquant d'art martiaux de Toshiro Mifune. Ou encore cette scène ou Yasumoto entend pour la première fois, le dernier souffle d'un mort, une scène dure, éprouvante et tétanisante de réalisme grâce notamment au travail sur le son.

Quant au casting, c'est un sans faute ! Yuzo Kayama joue l'apprenti Yasumoto. Il délivre une partition juste et se montre l'égal de son illustre aîné Toshiro Mifune. Jeune chien fou pendant une première partie, ou l'on sent le bouillonnement intérieur qui l'anime, il se calme progressivement, son visage devient alors plus sur et bienveillant. Toshiro Mifune qui signe ici son dernier film pour Akira Kurosawa incarne le héros parfait, magnétique et charismatique, qui ne laisse passer que quelques failles ! Un personnage attachant ou l'acteur fait preuve d'un calme et d'une justesse à toute épreuve, alternant les attitudes et sentiments avec aisance. On trouve aussi Tsutomu Yamasaki incarne le touchant Sahachi, Reiko Dan c'est Osugi, Yoshio Tsuchiya le Docteur Mori, Kyoko Kagawa qui joue Oyumi (la mante religieuse), excellente dans son rôle ; Terumi Niki qui joue Otoyo vous brise le cœur par son empathie, sa délicatesse et sa force, tout comme Yoshitaka Zushi dans le rôle du petit Choji, mendiant chapardeur instantanément attachant. 

Droit, profond et humaniste, tel est la voie de Akira Kurosawa ... 


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Matrix Revolutions


MATRIX REVOLUTIONS
Lilly et Lana Wachowski

Dernier opus (pour l'instant) de la saga des sœurs Wachowski, dont je n'avais aucun souvenir. Quant on a décidé de revoir cette trilogie je n'en attendais rien, je me souvenais de ces films, enfin surtout du premier, mais sans plus. Quelle ne fut pas ma surprise de m'apercevoir quel énorme plaisir que je prenais à les redécouvrir.

Cet épisode commence ou se termine le précédent. Nos personnages sont réfugiés dans un vaisseau qui n'est pas le leur et Néo est dans le coma après avoir fait quelque chose de tout à fait miraculeux. Trinity le veille. Mais pendant ce temps les sentinelles s’apprêtent à attaquer et détruire Zion.
Ce dernier opus, comme tout troisième épisode d'une saga qui se respecte, s'annonce comme la bataille finale. Mais il est avant tout visuellement beaucoup plus diversifié.
Il y a beaucoup moins de scène dans la matrice et par conséquence beaucoup moins de filtres verts (alléluia). Il n'est plus utilisé que lors de moments clés, tel que l'ultime confrontation entre Smith et Néo. C'est une manière d'attirer l'attention délicatement du spectateur et de mettre en corrélation directe l'épilogue avec la problématique initiale.
Cette rareté est justifiée aussi par la rencontre dans l'épisode précédent de notre héros avec l'Architecte qui lui a donné une partie des réponses.
L'histoire se diversifiant les lieux et les décors le font aussi. Et le film se colore. Comme on l'avait vu dans matrix reloadedZion amène les couleurs chaudes et ocres dans le paysage. Il sont les points de chaleurs du film. Les vaisseaux qui semblaient crasseux dans le premier épisode, la sont plus perfectionnés presque aseptisés par moment. Ils sont d'un gris métallique et lumineux.
Puis il y a la ville des machines, avec un univers plus proche des cannons de la science fiction habituelle. Un univers sans ligne d'horizon, noir avec des éclairages mauve. C'est à la fois inquiétant et rassurant, la beauté dans la frayeur.
Ce chapitre étant dédié aux combats, c'est le moment d'admirer la créativité autour des effets spéciaux et leurs inventivités. Les sentinelles sont plus détaillées et c'est un régal. Il y a tout un petit monde inventé autour d'elles. On les voit combattre, on les admire en train d'évoluer en faisant bouger et flotter leurs tentacules. Leurs techniques de guerres et leurs déplacements sont assez hypnotiques et c'est la preuve de la minutie avec laquelle, elles ont été pensées.
En face il y a les résistants de Zion. Et si les robots dans lesquels se glissent les hommes pour combattre on des airs de déjà vu, ils sont quand même fascinants. La manière dont ils se meuvent, dont ils tirent, ou dont on recharge les armes nous captive. C'est un vrai plaisir de le découvrir.
J'avoue avoir eu un moment de fangirlisme quand je me suis aperçue que les réalisatrices avez baptisé un de leurs généraux Mifune. Si au début j'ai cru que c'était juste un clin d’œil à un immense acteur, je me suis dit après avoir vu le long métrage que c'était peut être également un marqueur de la philosophie du film et du héros. Néo ressemble beaucoup à un samouraï. Il a intégré différentes techniques, différentes philosophies et différentes sagesses. Puis il a du faire des choix déchirants. Tout cela a forgé un homme nouveau. Dans cet opus, il est plus solitaire,il prend ses décisions et se transcende, il fait ce qu'il croit juste sans plus en référer à Morphéus. Il est d'une humilité qui détonne face à ce qu'il a déjà accompli. Et il est intéressant de noter que comme dans les films de samouraï, des le début on devine le devenir de Néo,on sait pourquoi car ça nous est expliqué par l'oracle.
L'un des principes sur lequel repose l'histoire est la recherche d'un équilibre, le yin et le yang; et ça se décline à différents niveaux. Il est le principal enjeu du film mais je ne veux pas trop en dévoiler, mais il est aussi présent quand le Hammer arrive à Zion qu'il détruit toutes les sentinelles; mais qu'en même temps il rend inutiles tous les appareils qui pouvaient éviter la prochaine attaque des mêmes sentinelles. Cette quette est également là lors de la conversation entre l'architecte et l'oracle. Ou encore lors de cette question qui revient sans cesse sur ce qui a changé et ce qui est resté le même?
Dans cet épisode la destinée de Néo s'accomplit. Fini les atermoiements autour de l'homme providentiel. Les choses doivent être faites et c'est Trinity et Néo qui s'y collent
J'ai toujours aimé le personnage interprété par Carrie Anne Moss. Il est parfaitement écrit. Elle est forte, badass, sure d'elle, c'est une combattante. Mais c'est aussi une femme amoureuse, qui assume ses sentiments. Elle est farouchement actuelle. Je la trouve extraordinaire dans Matrix Revolutions. Elle est plus sure d'elle. Elle prend les choses en main, se détachant de l'ombre de Morphéus. C'est le duo qu'elle forme avec Néo et l'amour qui les lie qui prend le dessus. De plus vu que les incursions dans la matrice sont moins nombreuses, elle lâche un peu son total look en latex qui lui va si bien, pour des tenues plus simples mais qui mettent plus en valeur son humanité et les sentiments qui la traversent. Elle est bouleversante et émouvante, son jeu moins monolithique renforce l'impression d’honnêteté et de franchise.
Néo voit l'aboutissement de son combat arrivé. Il finit le film les yeux bandés. Cette image nous rappelant à la fois un héros mythologiques, mais aussi les personnages des films d'arts martiaux qui arrivent à voir bien qu'aveugle. Il perçoit ce qui l’entoure malgré sa cécité. A partir de ce moment il est pleinement un héros. Dans ce film le personnage est beaucoup plus secret, réfléchit, et silencieux. Ce qui se reflète dans le jeu dépouillé de Keanu Reeves. La plus grande partie des choses passent par son regard, ses expressions, sa posture. Son minimalisme lui confère une aura de guide.
Quant à leur histoire d'amour elle devient l'un des ressort principal de l'action. Ils se nourrissent l'un de l'autre. Ils lient leurs destins aussi étroitement que possible. Les sœurs wachowski arrivent à montrer l'étroitesse de leurs liens au détour de diverses scènes, sans s'appesantir sur eux, pour ne pas détourner le sujet du film, tout en démontrant l'importance de ce binôme.
Quant aux combats entre Néo et Smith même s'ils sont moins nombreux , ils sont toujours plus intenses et spectaculairement chorégraphiés.
Ce film est assez différent des autres et pourtant dans la parfaite lignée de ce qu'ils sont! J'ai adoré cette diversité.

Revoir la trilogie Matrix a été un bonheur pour moi. Les redécouvrir m'a fait les réévaluer et j'ai adoré. J'ai redécouvert le travail impeccable des réalisatrices et l'investissement bluffant des acteurs.

Matrix Reloaded


Neo apprend à mieux contrôler ses dons naturels, alors même que Sion s'apprête à tomber sous l'assaut de l'Armée des Machines. D'ici quelques heures, 250 000 Sentinelles programmées pour anéantir notre espèce envahiront la dernière enclave humaine de la Terre. Mais Morpheus galvanise les citoyens de Sion en leur rappelant la Parole de l'Oracle : il est encore temps pour l'Elu d'arrêter la guerre contre les Machines. Tous les espoirs se reportent dès lors sur Neo. Au long de sa périlleuse plongée au sein de la Matrix et de sa propre destinée, ce dernier sera confronté à une résistance croissante, une vérité encore plus aveuglante, un choix encore plus douloureux que tout ce qu'il avait jamais imaginé.

Matrix Reloaded – 16 Mai 2003 – Réalisé par Lilly et Lana Wachowski

Si j'ai toujours considéré « Matrix » comme une œuvre culte et l'un des piliers de la sf de ces quinze dernières années, je ne peux pas dire la même choses concernant ses deux suites. Deux films que j'avais mal perçu, a cause notamment de leurs statuts de suite et de leurs places dans la trilogie. Car au final et cela même si on a trois films, le diptyque que « Reloaded » forme avec « Révolutions » est un tout que l'on ne peut prendre indépendamment l'un de l'autre ! Et très honnêtement, cela change tout ! « Matrix Reloaded » n'est plus l'épisode central d'une trilogie mythique, mais bien la première partie d'une histoire s'inscrivant dans la mythologie que les sœurs ont crées !

Près de six mois ont passé depuis que Néo est devenue l'élu, « the One » ! Un temps qu'il a mis à profit pour délivrer énormément de personnes et affiner ses capacités, qui font de lui la menace n°1 pour la matrice. Lors d'une rencontre entre plusieurs capitaines de vaisseaux de Zion, la capitaine Niobe leur apprend que l'Osiris à transmis un message important, des milliers de sentinelles avec des foreuses géantes creusent pour atteindre la ville et ils n'ont que 72 heures pour les arrêter ! Tous doivent rentrer, mais Morpheus demande qu'un vaisseau reste sur place, pour attendre le message de l'Oracle. Et après avoir était interrompu par des agents, ils rentrent sur Zion. La situation est tendue, la fin semble inéluctable mais l'espoir est grand, notamment celui porté par la conviction de Morpheus et par la foi que les gens ont en Néo. Pourtant lorsque Neo rencontre l'Oracle à nouveau, tout va se compliquer et les menaces se multiplier, jusqu'à la rencontre de l'Architecte …

En réalisant Matrix, les sœurs Wachowski ont conçut un univers au capacité illimité, tant visuellement que par le nombre des histoires qu'elles peuvent inventer et nous raconter. C'est ainsi qu'en parallèle à la sortie de Reloaded, on trouve l'anthologie « Animatrix » ! 9 courts-métrages animés qui viennent combler certains blancs dans la grande histoire de « Matrix » ou tout simplement nous dire comment ça a commencer ! Par exemple c'est ce qu'est « le dernier vol de l'Osiris » dont on évoque le nom au début du film. Un prequel animé qui nous raconte le destin de l'équipage de ce vaisseau qui a prévenue les autres de la menace et qui marque le début de cet immense diptyque.

L'histoire se concentre à la fois sur le destin de Neo et celui de Zion ! Deux éléments indissociables, car l'un est la promesse que l'autre survive. Pour cela Neo doit comprendre encore mieux le fonctionnement de la matrice, pour ne plus être victime des décisions des autres, mais bien l'acteur de sa propre destiné. Un changement de ton manifeste par rapport au premier qui posait les bases de l'univers. Il ne s'agit plus pour Neo de connaître la configuration de son environnement, mais bien d'apprendre le fonctionnement de son système d'exploitation, que cela soit pour comprendre qui il est, quelle est sa place et quel est le rôle de chacun dans l'OS « Matrice » ! C'est ainsi qu'on passe de l'Oracle, chez qui Neo a appris qu'il n'était pas l'élu, au mérovingien qui parle de cause et d'effet, jusqu'au Maître des clés pour finir par l'Architecte qui lui apprend le fonctionnement réel de la Matrice. Mais aussi il doit faire face à un fichier corrompu, le virus « Mr Smith » !

Une quête pour comprendre la Matrice qui est étroitement liée au devenir de Zion. La dernière citée des hommes dont on nous dépeint les us et coutumes, avec son pouvoir central, la place des militaires et les désaccords qui les séparent. Leurs points commun à tous ? La place qu'ils accordent à Neo pour le sauvetage de la ville. Mais au delà du sauveur qu'il incarne, il est aussi devenu un « homme », qui respire, qui pense et qui agit, avec des préoccupations bien humaine ! Lui qui n'était alors que « Thomas Anderson », un simple programmeur le jour, hackeur la nuit, qui désormais connaît l'amour au coté de Trinity, mais aussi cette immense peur que l'on peut ressentir à l'idée de perdre celle que l'on aime …

Un scénario extrêmement bien ficelé qui étale ses enjeux sur deux films ! Une idée excellente pour développer ce que l'on a a dire, sauf que c'est ici qu'on peut faire à mon sens des reproches à ce film et à l'autre qui suit. L'histoire aussi bonne soit elle, peut paraître abscons pour quelqu'un qui n'a pas l'habitude des films en deux parties et de ce fait ne pas comprendre les différents enjeux de l'intrigue. Une chose qu'on retrouve dans l'action, un peu trop omniprésente alors que dans « Matrix » on est à deux « grandes scènes » d'action maximum et qu'au final ça paraît déséquilibré vis a vis de l'opus « Revolutions ».

Quant à la réalisation des sœurs Wachowski, c'est la perfection incarnée ! Bon d'un coté, il y a trop d'actions, mais de l'autre, c'est une orgie visuelle orchestrée de la plus belle des façons, sur un rythme trépidant ou il vous faudra absorbé un grand nombre d'informations en un minimum de temps. Une radicalité inhérente à l'intrigue, car il n'y a que 72 heures avant que les sentinelles arrivent à Zion et que le temps presse, c'est ainsi que les deux heures de Matrix Reloaded passent à une vitesse folle ! On retrouve ainsi Don Davis à la musique, Bill Pope a la direction de la photographie, Owen Paterson à la production ou encore Zach Staenberg au montage. Et de rencontre en rencontre les sœurs nous offrent des morceaux d'actions dantesque, ou elles se permettent par moment de réinterpréter certaines scènes de Matrix, mais d'une manière « bigger than life ». Seul les scènes d'expositions, ponctué par des dialogues assommant pour certain, voir riche pour d'autre et qui sonne au final comme une infinité d'interrogations, nous permettent de respirer par rapport a la générosité de l'action présente à l'écran.
Et sur les 4/5 scènes majeures, j'en retiens deux d'entre elles ! Il y a le combat avec Smith et ces copies, un morceau de bravoure ahurissant ou avant l'heure on a eu droit à des doublures numériques. Indispensable pour répondre à l'exigence des réalisatrices. On passe de 1 contre 5, à un contre cent, ou toute la science de Yuen Woo-ping et de ses équipes sont essentielles pour chorégraphier au mieux cet affrontement, avec du rythme et des ruptures de ton incessantes! Mais là ou elles font très fortes, c'est pour la scène de l'autoroute ! Une portion de près de 3km de long a été reconstituée, pour ensuite tourner pendant 45 jours. Ce qui donne au final 26 minutes d'un plaisir intense, maîtrisé et impeccablement rythmé ou la mise en scène joue a merveille sur ce que l'autoroute peut offrir comme terrain de jeu, entre poursuite à moto et duel sur le toit d'un camion !

Le casting est quant à lui toujours impeccable ! On retrouve bien sur Keanu Reeves, Gloria Foster l'oracle, Carrie-Anne Moss qui prend de plus en plus d'importance et d'épaisseur; Laurence Fishburne qui trouve sa voie et un katana ainsi que Hugo Weaving qui s'éclate dans le rôle de l'agent Smith, parfait méchant, cynique et impitoyable qui restera dans les mémoires. Enfin parmi les nouveaux personnages notables on trouve Le Mérovingien et Perséphone, interprété respectivement par Lambert Wilson et Monica Bellucci, truculent pour l'un et fatale pour l'autre ; puis il y a Sing Ngai dans le rôle de Séraphin, un garde du corps intriguant; Randall Duk Kim dans le rôle du maître des clés; Jada Pinkett Smith dans le rôle de Niobe; Harold Perrineau Jr. Dans le rôle de Link ou encore les jumeaux Neil et Adrien Rayment, les spectres les plus effrayants de la matrice.

Mais comme pour le premier « Matrix », cet opus est bien plus que ce qu'il peut raconter ! Dans le premier, il s'agissait de s'assumer et d'aller au delà des apparences en s'affranchissant de toutes normes. Désormais, c'est à nous de faire, à nous de nous battre et d’être acteur de notre vie et de défendre les choses qui nous sont chères. Sauf que pour ça, il faut être conscient du monde dans lequel on vit, de savoir qui sont les forces en présences et surtout de savoir ce que l'on veut tout en sachant ce que l'on peut perdre ! Car s'engager pour une cause (Neo qui doit sauver Zion) exige des sacrifices, minime ou non et que c'est a partir de ça que l'on devient celui qu'on souhaite être ! 


Ce que l'architecte dans le film nomme l'espoir !

 « Humph. Hope, it is the quintessential human delusion, simultaneously the source of your greatest strength, and your greatest weakness. ».

Un espoir que les réalisatrices nous livrent et qu'elles livrent encore avec leurs dernières productions et aussi radicales soient elles, l'espoir en est toujours le maître mot … 

Un autre pas vers l'illumination, brillant premier acte qui se finira en apothéose dans "Révolution"

Point Break



POINT BREAK
de Kathryn Bigelow

Je suis née dans une petite ville les pieds dans l'eau. Elle s'est fait un nom grâce au surf. Pendant mon enfance, j'ai beaucoup bougé mais on a fini par y revenir et j'ai eu «la joie» de partager mon adolescence avec des surfers. Si en général je n'en garde pas un bon souvenir, j'ai quand même eu la chance de rencontrer des adultes habités par leur passion qui était devenue un mode de vie. C'est donc riche de ça et des quelques années que j'ai vécu loin des vagues que j'ai décidé de revoir Point Break.

Johnny Utah est un jeune agent du FBI. Pour son premier poste, ce premier de la classe, choisit Los Angeles et son taux de criminalité vertigineux. A peine est-il arrivé qu'on lui attribue comme coéquipier, un vieux grigou à chemise hawaïenne, isolé au bureau et qui a une théorie singulière sur les braqueurs qui pillent la ville: ce sont des surfeurs. Des surfeurs qui poursuivent le « endless summer» et qui donc seront parti dans quinze jours et ne reviendront dans dix mois.
Ce film est un thriller qui réussi à allier un coupable aisément devinable avec un déroulé étonnant. Il nous fait sortir gaiement de notre quotidien.
Alors que la réalisatrice décide de le faire débuter et de le terminer sous la pluie battante; tout le reste de l'histoire se passe sous un soleil de plomb à affronter les vagues. En tant que spectateur vous avez l'impression d'avoir du sable sous les pieds et de sentir le monoi, tout en tremblant pour les personnages. L'image est solaire et nous ramène aux vacances. L'initiation au surf sur le sable est drôle et avouons le nous avons tous essayé de nous relever comme cela. 
Si les scènes se passent majoritairement à la plage, la réalisatrice ne se répète jamais. Elles sont tantôt de nuit, tantôt de jour, et jamais un de ces moments de surf si magnifiquement filmé n'est gratuit ou là uniquement pour son esthétisme. Ils amènent toujours quelque chose à l'histoire. J'avoue avoir été fascinée par la session de nuit. Et le scénario arrive même à amener le surf au bureau du fbi,en faisant entrer Johnny dans une tenue qui détonne avec une planche sous le bras qu'il tape partout. Comme s'il cherchait à aérer le cadre.
Du coup la lumière prend toute son importance. Elle est majoritairement naturelle est l'histoire est ensoleillée. Mais quand l'action se passe en intérieur ou de nuit, n'y a pas de transition l'image devient sombre et parfois on ne perçoit que les ombres. Ici c'est blanc ou noir; il n'y a aucune nuance.
Cette histoire porte sur des personnes dont on n'avait peu entendu parler en 1991. Ses hommes dopés à l'adrénaline, ont des profils nouveaux. Ils permettent entre autre, des moments magiques comme les scènes de chute libre. Je ne sais toujours pas comment il y a vingt six ans on a pu filmer ces passages avec tant de détails et une telle qualité. Ils fournissent également des ressorts à l'histoire complètement inattendus et en plus sont porteurs d'une philosophie qui leur est propre. 
Il y a une notion de clanique qui dans d'autre films sera déclinée sous forme de famille. Et là ou elle s'englue et se perd dans les sagas telles que fast and furious, prenant une forme patriarcale qui a ses limites. Ici elle est soutenue par une philosophie ou plutôt un état d'esprit commun. Ils ont des buts différents, des objectifs qui leurs sont propres. Mais ils vont dans le même sens. ça donne une légèreté à leurs personnages. C'est agréable à suivre. C'est parfois galvanisant. Puis sans être un film dit à message, il est bon de souligner le coté contestataire, voire en marge de l'histoire. Il y a l'évolution du personnage principal, la vie des surfeurs celle du groupuscule néo nazi comprise, ou le choix des masques des braqueurs, et leur avis sur les présidents. Jusqu'à ce qu'ils font faire à Utah, jamais dans les clous, ou dans une espèce de réalité.
Ce film doit aussi beaucoup à un scénario qui invente des personnages solides et a une distribution qui l'est toute autant.
Keanu Reeves interprète Johnny Utah. Il arrive parfaitement à incarner le premier de la classe,qui sent le propre, et qui est agaçant au début du film. Il fait évoluer son personnage, il est tout autant crédible en homme capable de dynamiter sa vie pour une autre. Il finit comme un adepte du surf , détaché mais quand même ouvert sur le monde avec un sens de l'abnégation. 
Il est finalement à l'opposé deBodhi a qui Patrick Swayze donne ses traits. Personnage meneur et porteur de la philosophie du groupe. Il a une relation particulière à ce qui l'entoure et à la mer. Mais finalement il se perd, et ne suivant plus ses règles et il perd aussi ce en quoi il croit, tout ça pour atteindre un but ultime.
Les deux acteurs ont des charismes complémentaires. Et ils ne semblent jamais entrer en compétition, ou tenter de tirer la couverture à eux. Leurs scènes communes transpirent la générosité.
Lori Petty interprète La femme. Celle qui est le lien entre nos deux personnages. Elle est dégourdie, surfe comme une déesse, et est capable de tirer à cinq centimètres de votre tète sans ciller. Je l'aime d'amour. Son jeu est physique quasi animale.
La relation qu'elle noue avec Johnny est essentielle à l'histoire elle lui permet de faire voler en éclat l'armure de chevalier blanc de l'agent. Elle est le vecteur par lequel il devient meilleur.


« Avez-vous déjà tiré en l'air en faisant ahahahahahahahah ? » . cette phrase de Hot Fuzz est un des marqueurs de l'impact assez improbable qu'a eu ce film sur le cinéma d'aujourd'hui. Film culte porteur d'un vent de liberté, il peut passer pour dater mais il est tout le contraire. Moderne dans son écriture, sa manière de filmer...

Ce film est un film comme on en fait plus. On essaie , mais ça se plante. Il est bon, efficace, c'est un agréable moment cinematographique

The Watcher


Ex-agent du FBI à Los Angeles, Joel Campbell a passé huit ans de sa carrière à traquer des tueurs en série. L'un d'eux, Griffin, spécialisé dans le meurtre des femmes seules, a tenté de le provoquer et de l'entraîner dans un jeu morbide mais Campbell a résisté et s'est fait muter à Chicago. En proie à de douloureuses migraines, il suit une psychanalyse avec le docteur Polly. Étrangement, la réapparition de Griffin va l'éloigner un temps de ses problèmes. Le tueur lui envoie chaque jour la photo d'une inconnue, qu'il menace de tuer le soir venu...
The Watcher – 8 Novembre 2000 – Réalisé par Joe Charbanic

En 1995 le monde a frissonné à cause d'une simple question « What's in the box? » ! Instant du climax final de l'éprouvant « Se7ven » de David Fincher, devenu des sa sortie le mètre étalon du genre pour les années qui suivront ! Une telle réussite que rares sont ceux qui se hisseront à sa hauteur. Mais parfois c'est tout le contraire, ou certains se cassent littéralement les dents avec un sujet qu'ils ne savent pas raconter et « The Watcher » fait partie de cette catégorie là …

« Dans la guerre contre le crime à New York, les plus redoutables prédateurs sont poursuivis par les inspecteurs de la Section Criminelle. Voici leur histoire… »
Après huit ans à chasser les pires tueurs en séries des USA, l'agent du FBI Joel Campbell décide de raccrocher et de partir à la retraite. Une décision courageuse, qui malgré tout le hante . Il peut toutefois compter sur l'oreille attentive et compatissante de sa psychiatre pour évacuer les traumatismes de cette période. Pensant tout ça derrière lui, il mène une vie simple a Chicago, mais le passé vient le frapper quand une jeune femme est retrouvée morte dans son immeuble. Pourquoi ? Parce qu'il reçoit une lettre contenant sa photo et il sait tout de suite de qui il s'agit, le tueur du nom de Griffin qu'il n'a jamais pu coincer ! Très vite Griffin le contacte et lui impose un jeu, a savoir qu'il lui enverra une photo chaque jour d'une inconnue et qu'il aura 24 heures pour la sauver …

Mettre plus haut l'accroche de l'une des séries de Dick Wolf n'est pas anodin, car aussi stéréotypées qu'elles puissent être, ces séries n'hésitent pas à vous bousculer et à vous montrer les plus bas instincts de l’espèce humaine. Un exemple basique dont le réalisateur aurait pu se servir pour construire à minima son film, car le résultat final est tout simplement navrant. « The Watcher » fait parfois illusion, mais il rate a peu près tout ce qu'il entreprend, à savoir raconter une bonne histoire et être un bon thriller.

Le scénario est écrit par David Elliot et Clay Ayers. L'histoire se concentre sur la relation entre l'agent du FBI et le méchant, qui le suit dans sa nouvelle vie. Un antagoniste qui a comme particularité de surveiller ses victimes avant de les tuer. Une chose dont il va se servir pour renouer avec l'homme qui avait failli l’arrêter. Bref pleins de petits poncifs inhérents au genre qui aurait pu donner un vrai bon thriller ! Si et seulement si, ils avaient su exploiter leur sujet à fond. La narration est hasardeuse, le scénario manque de dramaturgie, la relation entre les deux personnages principaux est à peine esquissée et ne repose que sur des flashbacks aléatoires que l'on nous jette à la figure parce qu'il le faut et enfin, on explore que trop peu l'aspect « voyeur » de l'antagoniste joué par Keanu Reeves ( Soit y en passant, la seule chose de bien dans ce film) !!!

La réalisation de Joe Charbanic est tout aussi chaotique que l'écriture de son film. Cet ancien réalisateur de clip truffe son film d'effets et de filtres, qu'on a souvent l'impression de voir une copie, de la copie du style inimitable de feu Tony Scott ! Alors quand c'est réussi, pourquoi pas, mais ici c'est un simple cache-misère, qui essaye de mettre un peu de vie à un film qui en manque cruellement. De plus il échoue sur l'essentiel à savoir créer une ambiance et un univers angoissant, la faute en partie à une direction photo calamiteuse qui lui donne l'aspect d'un tv film miteux sans aucun moyen, ni talent ! Un film bancal de bout en bout, ou même le casting qui ne manque pas de talent semble perdu. James Spader, air hagard, traverse le film comme un fantôme et seul Keanu Reeves, sa némésis surnage, en tueur froid et affable ou son sourire vous charme avant de vous tuer.

Sautez cette épisode !