120 BATTEMENTS PAR MINUTE
de Robin Campillo
Ecrire sur 120 battements par minute, c'est se dire que l'on veut parler de claquements de doigts, et penser qu'il va falloir glisser «des molécules pour qu'on s'encule». Puis d'un coup c'est être envahi à nouveau par tous les sentiments qui nous ont traversé lors de son visionnage.
Vous pitcher ce film n'est pas aisé. Tant il est riche et qu'il fait naître chez nous une multitude d'émotions. On suit pendant à peu près deux ans le groupe d'act up Paris au début des années 90.On les suit dans leurs réunions hebdomadaires (RH); dans leurs actions, leurs recherches d'informations, mais on fait aussi des insertions dans la vie de certains d'entre eux.
A cette période j'étais ce que l'on appelle aujourd'hui une pré ado. Je ne garde pas grand choses comme souvenirs de la montée en puissance du SIDA. C'est venu plus tard. Mais si je cherche quel est le premier souvenir que j'ai et que je lie à cette maladie c'est l'image des die-in d'act up. Et c'est en partie ce que l'on retrouve ici.
Car tout un pan du film retrace l'action de ce groupe, et ses combats. L'une de ses principales qualités est le scénario et la réalisation tous les deux menés par le même homme. Dans un premier temps, tout est filmé à la première personne. Permettant de nous présenter les règles de fonctionnement de la RH, nous donnant l'impression de faire partie des manifestants d'une de leurs actions. L'immersion a été parfaite pour moi. L'activisme nous apparaît comme naturel, le seul choix à faire. Les claquements de doigts, les «tsst» se mettent à raisonner particulièrement en nous.
L'image pour act up a toujours été une arme. Dans ce film la photographie est tout aussi percutante. Les poches de faux sang qui éclatent, le sang qui se mélange avec ce faux sang. L'évolution de ce virus matérialisé dans la brume d'une boite de nuit, la baignoire pleine de faux sang, et tant d'autres images que je ne veux pas vous spoiler qui reste imprimées sur votre rétine. Tout comme la troisième partie du film ou se succèdent une série de scènes poignantes et fortes.
Dans un premier temps le rythme est emporté quasi euphorique. Les actions et les RH se succèdent. Le ton malgré la gravité de ce dont on parle est léger et dynamique. Dans un second temps la caméra s'installe comme extérieure et le film prend le temps de nous expliquer les différents buts d'act up ce pourquoi ils se battent. Avant tout contre l'industrie pharmaceutique qui brille par son manque d'humanité (rétention d'informations, protocoles de soins inacceptables, et tant d'autres choses que je vous laisse découvrir), la prévention quasi impossible quand on veut cacher les séropositifs,les gais, les droguais, les prisonniers...
La troisième partie s'attache à des personnages. Elle est bouleversante et m'a arraché le cœur. Mais a aucun moment nous ne perdons de vue act up et la volonté de ces hommes de faire bouger les choses autant pour les autres que pour eux. Jusqu'à la scène finale qui nous laisse chancelants entre rires et larmes.
Le scénario est bien mené, et sans concessions. Il montre la maladie et la sexualité, sans fausses pudeurs. Il déroule son film pendant plus de deux heures sans temps morts, sans jamais qu'il ne s'enlise. Il passe d'un moment à l'autre dans un magnifique exercice d'équilibriste aidé par de magnifiques acteurs.
Il n'y a pas une seule personne qui soit moins investie, un second rôle qui ne soit pas parfaitement interprété ou écrit dans ce film. A l'image se la merveilleuse Aloise Sauvage qui mène le débat lors des RH, et qui d'une certaine manière rythme le film. elle est un vent de fraîcheur.
Nahuel Pérez Biscayart interprète Sean. Son rôle est probablement le plus difficile et pourtant il est impeccable que ce soit dans l'excitation, l'acceptation, ou le combat. Ce film m'a donné envie de farfouiller dans sa filmographie et de découvrir les autres films francophones ou il a joué.
Nathan est interprété par Arnaud Valois. Il émane de lui une puissance et son jeu rend son personnage très attachant. Il canalise l'empathie que l'on ressent pendant le film. Il dévore l'écran.
Adele Haenel incarne avec éclat la fille investie et tout le temps sur la brèche. Elle ne tire pas la couverture à elle. Elle est juste un membre parfait d'un groupe à l'image du personnage qu'elle interprète.
Il me paraît évident que ce film ne plaira pas à tout le monde. Je pense qu'il va faire grincer des dents et choquer certains bien pensant. Ça tombe bien c'est un film sur act up
Ce film est ce que j'aime dans le cinéma. Une histoire bien racontée avec un discours politique, et qui nous laisse face à nos réflexions sur la société dans laquelle on évolue. Société ou les labo pharmaceutiques font la pluie et le beau temps; société ou les affiches de préventions sont censurées parce qu'elles montrent deux hommes en train de s’enlacer.
120 battements par minute
4/
5
Oleh
Unknown