Charisma
1999 Critique Hiroyuki Ikeuchi Jun Fubuki Kiyoshi Kurosawa Koji Yakusho Ren Osugi Yoriko DoguchiUn brillant détective mis en échec au cours d'une prise d'otages où le ravisseur et sa victime ont été tués se retire dans une forêt. Au milieu d'une clairière, isolé, se dresse un arbre. On le nomme Charisma. Entouré de mystérieux objets, l'arbre paraît aussi énigmatique qu'une œuvre d'art. En errant dans la foret, le détective découvre que ses habitants s'affrontent et se déchirent à propos de cet arbre...Charisma – 8 Décembre 1999 - Réalisé par Kiyoshi Kurosawa
Il est rare quand je découvre un nouveau cinéaste que j’enchaîne plus de deux films d’affilés, parce que le premier film est toujours déterminant ! Si il est bon, j’enchaîne, si il ne l'est pas, je m’arrête là. Mais cette fois ci, j'ai eu l'occasion de découvrir en une semaine, huit films du cinéaste japonais Kiyoshi Kurosawa. Un réalisateur que je ne connaissais pas, qui n'a rien à voir avec Akira Kurosawa et dont j'ai pu apprécier avec Cécile un éventail représentatif de son talent. Si elle a commencé avec « Cure », moi j’enchaîne avec « Charisma » …
L'inspecteur Goro Yabuike est un flic bien trop zélé, qui enchaîne affaire sur affaire et qui ne pense que très peu à sa famille. Un jour il intervient sur une prise d'otage avec le sérieux qu'on lui connaît, sauf que rien ne va se passer comme prévu. Le forcené tire sur l'otage qu'il ne peut malheureusement sauver. Goro perdu et déboussolé décide de fuir la ville pour respirer et s'éclaircir les idées, surtout quand le congé qu'il s’octroie s'annonce a durée illimitée. Il se retrouve alors bien loin de toute civilisation, dans la foret ou même là, différentes factions s'affrontent pour décider du sort d'un arbre que l'on nomme « Charisma ». Goro qui tombe dessus par hasard, fait la rencontre de Kiriyama qui prend soin de cet arbre, qui le défend et qui lui explique ce qu'il est. Un arbre rare qui ne vient pas du Japon et qui empoisonne sans le vouloir tout l'écosystème alentour. Une particularité qui fascine autant qu'elle n'effraie et qui va changer, tous les personnages qui s'en approchent …
Ce « Charisma » est une belle réalisation qui n'hésite pas à surprendre constamment ! Un essai indéfinissable (hormis par le prisme de la vision du réalisateur), qui oscille entre plusieurs genres cinématographique. Une constante; qu'il cultive avec brio et malice pour nous parler des thèmes qui lui sont chers sans jamais se répéter et surtout en laissant au spectateur le choix de son interprétation. Une complexité qui se prête admirablement bien pour « Charisma », qui est bien plus que l'histoire d'un policier.
Comme pour une grande partie de sa filmographie, on retrouve Kiyoshi Kurosawa au scénario. Ici il livre une histoire sur l'introspection d'un homme suite à la prise d'otage à l'issue sanglante qu'il n'a pu éviter, ni gérer. Rapidement l'inspecteur Goro Yabuike est considéré comme le seul et unique responsable. Un acte qu'il vit assez mal et par la suite il part sans trop savoir ce qu'il va faire. C'est là qu'il va tomber sur cette arbre « Charisma », sur les gens qui se déchirent pour lui et sur les problèmes qu'il cristallise. L'éthique de Goro lui intime de défendre cet arbre et d'aider à sa préservation, mais petit à petit, il va comprendre au contact des gens, que cet arbre qui les divise n'est pas différent de ce qu'il vient de traverser. L'arbre « Charisma » est l'élément cathartique des différentes frustrations humaines, de l'incompréhension devant une situation que l'on ne contrôle ni ne maîtrise !
Mais ça, ce n'est que la surface, car il y a bien d'autres choses que l'on peut en tirer! Deux me viennent naturellement. Une métaphore du malaise de la jeunesse japonaise dans une société trop stricte, les éléments différent comme « Charisma » doivent être détruit car ils menacent le groupe (l'écosystème); ou encore celui d'une société qui ne veut pas de l'immigration, qui à peur que son modèle soit remis en cause et que le changement soit plus un mal qu'un bien. Un plaidoyer contre l'immobilisme particulièrement radical, qui n'hésite pas à virer dans la dystopie la plus impromptu à la fin …
Quant à la réalisation, Kiyoshi Kurosawa est avare en effet ! C'est très épuré, il laisse la part belle aux décors, aux plans d'ensemble travaillés, à l'ambiance qui oscille entre fin du monde, angoisse et paranoïa; soutenue par une excellente partition musicale signé Gary Ashiya. Mais paradoxalement, ce n'est jamais lent, on ne s'ennuie pas, il nous réserve quelques beaux moments de tension, avec la finesse qui lui est propre et c'est toujours maîtrisé dans sa narration. Jusqu'au climax final qui en laissera plus d'un sur le carreau.
Le casting est toujours aussi solide, notamment avec Koji Yakusho (Que j'aime désormais énormément) qui est l'acteur phare de ce réalisateur. Dans « Charisma » on a un peu l'impression de retrouver l'inspecteur qu'il incarnait dans « Cure », sérieux et intriguant, il se dégage toutefois de ce qu'il avait fait avant. Il joue avec plus de nuance et de sensibilité, il incarne ce policier broyé par le doute avec beaucoup d'élégance qu'il nourrit constamment au gré des expériences que traverse son personnage. On peut compter aussi sur Hiroyuki Ikeuchi dans le rôle de Naoto Kiriyama, Ren Osugi dans celui de Satoshi Nakasone et dans le rôle des sœurs Jinbo, Yoriko Doguchi et Jun Fubuki.