Charisma


Un brillant détective mis en échec au cours d'une prise d'otages où le ravisseur et sa victime ont été tués se retire dans une forêt. Au milieu d'une clairière, isolé, se dresse un arbre. On le nomme Charisma. Entouré de mystérieux objets, l'arbre paraît aussi énigmatique qu'une œuvre d'art. En errant dans la foret, le détective découvre que ses habitants s'affrontent et se déchirent à propos de cet arbre...
Charisma – 8 Décembre 1999 - Réalisé par Kiyoshi Kurosawa

Il est rare quand je découvre un nouveau cinéaste que j’enchaîne plus de deux films d’affilés, parce que le premier film est toujours déterminant ! Si il est bon, j’enchaîne, si il ne l'est pas, je m’arrête là. Mais cette fois ci, j'ai eu l'occasion de découvrir en une semaine, huit films du cinéaste japonais Kiyoshi Kurosawa. Un réalisateur que je ne connaissais pas, qui n'a rien à voir avec Akira Kurosawa et dont j'ai pu apprécier avec Cécile un éventail représentatif de son talent. Si elle a commencé avec « Cure », moi j’enchaîne avec « Charisma »

L'inspecteur Goro Yabuike est un flic bien trop zélé, qui enchaîne affaire sur affaire et qui ne pense que très peu à sa famille. Un jour il intervient sur une prise d'otage avec le sérieux qu'on lui connaît, sauf que rien ne va se passer comme prévu. Le forcené tire sur l'otage qu'il ne peut malheureusement sauver. Goro perdu et déboussolé décide de fuir la ville pour respirer et s'éclaircir les idées, surtout quand le congé qu'il s’octroie s'annonce a durée illimitée. Il se retrouve alors bien loin de toute civilisation, dans la foret ou même là, différentes factions s'affrontent pour décider du sort d'un arbre que l'on nomme « Charisma ». Goro qui tombe dessus par hasard, fait la rencontre de Kiriyama qui prend soin de cet arbre, qui le défend et qui lui explique ce qu'il est. Un arbre rare qui ne vient pas du Japon et qui empoisonne sans le vouloir tout l'écosystème alentour. Une particularité qui fascine autant qu'elle n'effraie et qui va changer, tous les personnages qui s'en approchent …

Ce « Charisma » est une belle réalisation qui n'hésite pas à surprendre constamment ! Un essai indéfinissable (hormis par le prisme de la vision du réalisateur), qui oscille entre plusieurs genres cinématographique. Une constante; qu'il cultive avec brio et malice pour nous parler des thèmes qui lui sont chers sans jamais se répéter et surtout en laissant au spectateur le choix de son interprétation. Une complexité qui se prête admirablement bien pour « Charisma », qui est bien plus que l'histoire d'un policier.

Comme pour une grande partie de sa filmographie, on retrouve Kiyoshi Kurosawa au scénario. Ici il livre une histoire sur l'introspection d'un homme suite à la prise d'otage à l'issue sanglante qu'il n'a pu éviter, ni gérer. Rapidement l'inspecteur Goro Yabuike est considéré comme le seul et unique responsable. Un acte qu'il vit assez mal et par la suite il part sans trop savoir ce qu'il va faire. C'est là qu'il va tomber sur cette arbre « Charisma », sur les gens qui se déchirent pour lui et sur les problèmes qu'il cristallise. L'éthique de Goro lui intime de défendre cet arbre et d'aider à sa préservation, mais petit à petit, il va comprendre au contact des gens, que cet arbre qui les divise n'est pas différent de ce qu'il vient de traverser. L'arbre « Charisma » est l'élément cathartique des différentes frustrations humaines, de l'incompréhension devant une situation que l'on ne contrôle ni ne maîtrise !

Mais ça, ce n'est que la surface, car il y a bien d'autres choses que l'on peut en tirer! Deux me viennent naturellement. Une métaphore du malaise de la jeunesse japonaise dans une société trop stricte, les éléments différent comme « Charisma » doivent être détruit car ils menacent le groupe (l'écosystème); ou encore celui d'une société qui ne veut pas de l'immigration, qui à peur que son modèle soit remis en cause et que le changement soit plus un mal qu'un bien. Un plaidoyer contre l'immobilisme particulièrement radical, qui n'hésite pas à virer dans la dystopie la plus impromptu à la fin …

Quant à la réalisation, Kiyoshi Kurosawa est avare en effet ! C'est très épuré, il laisse la part belle aux décors, aux plans d'ensemble travaillés, à l'ambiance qui oscille entre fin du monde, angoisse et paranoïa; soutenue par une excellente partition musicale signé Gary Ashiya. Mais paradoxalement, ce n'est jamais lent, on ne s'ennuie pas, il nous réserve quelques beaux moments de tension, avec la finesse qui lui est propre et c'est toujours maîtrisé dans sa narration. Jusqu'au climax final qui en laissera plus d'un sur le carreau.

Le casting est toujours aussi solide, notamment avec Koji Yakusho (Que j'aime désormais énormément) qui est l'acteur phare de ce réalisateur. Dans « Charisma » on a un peu l'impression de retrouver l'inspecteur qu'il incarnait dans « Cure », sérieux et intriguant, il se dégage toutefois de ce qu'il avait fait avant. Il joue avec plus de nuance et de sensibilité, il incarne ce policier broyé par le doute avec beaucoup d'élégance qu'il nourrit constamment au gré des expériences que traverse son personnage. On peut compter aussi sur Hiroyuki Ikeuchi dans le rôle de Naoto Kiriyama, Ren Osugi dans celui de Satoshi Nakasone et dans le rôle des sœurs Jinbo, Yoriko Doguchi et Jun Fubuki


Un excellent film, l'un de mes préférés de K.Kurosawa

Cure



CURE
de Kiyoshi Kurosawa


C'est avec Cure que j'ai découvert Kiyoshi Kurosawa. Je suis tombée amoureuse de son œuvre et de ses images composées avec richesses,et intelligences. Un vrai coup de cœur.
Kenichi Takabé est un inspecteur de police judiciaire japonnais. Depuis plusieurs jours, il fait face à un série de meurtres très particuliers. on trouve des cadavres avec une croix gravée au niveau du scapulaire, à chaque fois l'assassin est retrouvé à coté du cadavre. Il reconnaît le meurtre mais ne peut pas expliquer comment ni pourquoi il est passé à l'acte. Régulièrement il y a de nouveaux meurtres avec les mêmes caractéristiques. Il n'y a aucun point commun entre les victimes et-ou les assassins. Si ce n'est cet état très particulier dans lesquels sont les coupables, à la fois conscients de ce qui se passe mais dans une espèce de trance.


Kenichi est accompagné par son ami le docteur Akiko Miyajima qui l'aide à percer le secret de ses meurtres mais aussi à s'occuper de son épouse. Elle se perd dans sa ville autant que dans sa vie.

Il y a une manière de filmer bien particulière à Kiyoshi Kuroswa. Ici elle se base majoritairement sur le fait de filmer avec une légère desaturation en utilisant des couleurs ternes. Couleurs qui se répondent et se coordonnent, accentuant le sentiment désespéré et opaque du film.
La composition de l'image ,dans chacun des films que j'ai vu de ce réalisateur , est un aspect qui m'a fasciné. Elle est pensée et théâtralisée. Tout est important dans ce que représente l'image, mais aussi dans tout ce qui en est absent. Les champs contre champs sont aussi une des armes de cet homme. les choses ou les personnes apparaissent dans le cadre au détour d'un mouvement de caméra.


Ou alors c'est une image que l'on croit voir mais qui n'est pas celle que l'on croit. Tout n'est qu'apparence. Rien n'est ce que l'on croit . C'est une leçon de manipulation du spectateur, Un jeu de suggestion.
Et ça tombe bien car ça nous permet de rentrer en empathie avec... les meurtriers. Il est difficile d'en dire plus sans gâcher le film. Car même si parfois on peut avoir une intuition. Il est quand même surprenant, et c'est savoureux de se laisser porter par cette sublime réalisation. Mais une chose est sure la manipulation du spectateur est l'une des plus fine dont j'ai été le jouet.
Je ne serai pas dire si c'est un thriller efficace ou un film de genre de haut vol. cette ambiguïté est à l'image de ce long métrage. Il a différents niveaux de lecture. Aucune vérité ne se détache vraiment dans la vision du film et pourtant l'histoire est construite et palpitante. A chaque fois que je repense à ce film, à certains de ses détails,je trouve une nouvelle interprétation, ou théorie. C'est une richesse que je chéris tout particulièrement.

On trouve dans ce film un des acteurs fétiche du réalisateur Koji Yakusho qui joue un policier très clivé. Il sait très bien être froid et fermé lorsqu'il exerce son métier. Et compose un époux profondément aimant, inquiet et au bout du rouleau lorsqu'il est avec sa femme. Masato Hagiwara joue son antagoniste. Il incarne cet homme qu'on ne peut cerner. Son corps semble hypotonique quasi désarticulé. Il cultive grâce à son jeu son ambiguïté entre zombie et manipulateur. Rien que sa présence à l'écran donne le frisson.
A ce tandem il faut rajouter Yoriko Doguchi qui incarne le psy. Il est personnage qui évolue le plus imperceptiblement. son jeu est délicat et dans la nuance.

J'ai aimé ce film. Il n'a rien en commun avec ceux que j'avais déjà vu. Il est inquiétant et intéressant. Pour un premier contact avec Kiyoshi Kurosawa, il permet d'appréhender le style de ce réalisateur dans un cadre relativement concret.

Midnight Special


MIDNIGHT SPECIAL

de Jeff Nichols


Il y a des films que l'on rencontre dans de drôles de circonstances. Je suis tombée amoureuse du film précédent de ce réalisateur Mud. j'avais été séduite par la beauté des images et par la poésie qui émanait de lui. C'est lors d'une émission de radio en écoutant ce qu'en disait max (max la menace si tu passes par ici merci) que je me suis dit qu'il fallait que je le vois. Ajoutez à cela la présence d'Adam Driver dont je ne finis pas de découvrir le talent, il est donc devenu urgent qu'on lui donne sa chance. A la fin de ce film il est apparu comme une évidence qu'on avait été bouleversé tous les deux, mais que chacun l'investissait de manières différentes. De nuit Roy et Lucas sont retranchés dans la chambre d'un motel calfeutrée par des cartons. Ils surveillent les alentours avant de sortir, pendant ce temps la télé diffuse leurs signalements car ils ont enlevé un enfant.


Cet enfant est caché sous un drap, en train de lire des comics éclairé par une torche. Cet enfant qui se balade avec une paire de lunettes de piscine bleues est le fils de Roy. Pendant ce temps, le FBI est en train débarquer dans une secte d’où il est parti avec son père.
Ce film est un road movie. Un road movie dont on ne sait pas la destination. Seuls ses trois personnages savent ou ils vont.
Au début la seule clé que l'on ait, est Paul Servier agent de la NASA, qui débarque dans l'histoire en même temps que nous. Il prend les traits d'Adam Driver, il est celui qui fait parler le gourou de la secte. Celui qui comprend le rôle de cet enfant, sorte de messie qui transmet des informations et des codes. Codes qui se révèlent être des données secrètes qui pourraient valoir des siècles de prison à ce prêcheur. C'est à partit de là que ce film glisse vers la science fiction de manière légère avec un fort ancrage dans la réalité.


Tout cet univers est renforcé par des métaphores des allégories ou des analogies. Par exemple l'enfant et ses aptitudes sont mis en parallèles avec les personnages de comics qu'il lit. Son ouïe, et ses yeux si particuliers lui en donne toutes les caractéristiques. Et lorsque vient le moment ou il s'interroge sur la Kryptonite. Le message éclaire celui qui voit le film, sans jamais plomber l'histoire. En règle général tout ce qui touche son affaiblissement est imagé, ça allège le discours, tout en nous montrant sa progression; tout est illustré, sans être prononcé. 

Cet effet sf est aussi renforcée par l'imagerie que choisit d'utiliser le réalisateur. En effet il date son film et l'ancre dans les les années 2010, par les objets utilisés par les agents du FBI, les ordis, les voitures, les portables, les satellites... Rajoutez à cela le compte à rebours qui nous rappelle la date plusieurs fois dans le film. alors que tout ce qui a attrait à l'enfant semble sortir des années 80 (ce qui se justifie par le fait qu'il est vécu dans la secte) le total look jean du père, les voitures qu'ils conduisent, les téléphones qu'ils utilisent.


Le réalisateur allie cela à un hommage aux films de SF qu'il chérissait enfant. Ce petitou sous son drap, sa lampe torche, même sa coiffure,jusqu'à la manière dont s'éclaire la main tout me ramène à E.T. Il y a aussi quelque chose des X-Men, de superman et d'autres...
Tout cela créé un ensemble d'une finesse et d'une efficacité quasi poétique. Elle est aussi due aux acteurs. Michael Shannon est un père épuisé mais combatif formidable. Son histoire semble se lire sur son visage. Joel Edgerton pendant tout le film est à l'opposé de ce que renvoi son image, il est super touchant. Adam Driver est le personnage pour qui on a de l'empathie, il nous donne les clés du film. Puis il y a Jaeden Lieberher, bouille à bisous venue des années 80, enfant omniscient il est bouleversant


( Attention même si j'évite d'habitude, vous entrez dans une zone de spoilers )

Ce film parle d'autres choses. pour moi il est la métaphore de la mort d'un enfant. Et c'est probablement l'un des plus beau, digeste et poétique film sur ce sujet. Tout y est, la maladie de cet enfant. Ici elle est incarnée par son don. Don qui comme toute maladie transforme un enfant en enfant particulier, en héro du quotidien. il y a aussi l'évolution de son état, avec tous les marqueurs que distille le film. L'imagerie de cet enfant qui vit la nuit et qui voit un dernier coucher de soleil qui lui annonce un monde au dessus de la terre. Un monde qui correspond parfaitement à ce que l'on imagine du paradis. La finesse d'écriture de ce film va juste à reproduire ce que l'on décrit lorsque l'on parle des familles des petits malades. Le refuge dans une croyance, dans une pensée magique d’où la secte. La perte de pouvoir et le sentiment d'impuissance des parents, dans ce film c'est le gourou qui décide de se proclamer père d'Alton.

Roy reste là avec un sentiment d'impuissance et un énorme amour. Mais dans la course finale, c'est lui avec sa mère et un ami d'enfance qui l'accompagnent. Puis il y a l'épilogue. Ou l'imagerie d'un monde meilleur est partout. La lumière éblouissante, un univers plus adaptés à notre petit héros, ou il y a des gens comme lui. mais dans le film ils ne sont que des formes lumineuses qui ressemblent à la représentations de l’âme des morts. Il y a une vision architecturale de cet ailleurs. Puis il y a ce qui se passe après pour les parents et ceux qui les accompagnent. Le changement même physique pour certains, la lecture très cartésienne, ou ce vacillement entre le recueillement la peine et le soulagement pour d'autres.

Ce film est un beau film, riche et a la lecture différente suivant les personnes. J'ai tenu à vous parler de mon ressenti et c'est pour cela je devais spolier. C'est la première fois depuis que j'écris. Maintenant après avoir posé mes idées sur le papier, il me fait penser à un de ces magnifiques tableaux ou l'on peut se plonger, voir des choses différentes mais être d'accord sur le fait qu'elles sont assez complémentaires, que la vision de l'autre vaut bien la sienne, et que la constante est la beauté de la toile

Live By Night


LIVE BY NIGHT
de Ben Affleck


Il y a longtemps que je voulais voir Live By Night. Mais il y a toujours eu un problème. J'aurai du interpréter ça comme un signe. Ne regarde pas ce film, Cécile!

Des le premier quart d'heure, je me suis demandée si on ne pouvait pas changer de salle, et aller voir autre chose. Mais je connais ma moitié. Je savais que nous étions partis pour deux longues heures.
Normalement je parle un peu du début du film. Mais voilà ce film ne s'attarde sur pas grand chose. Les premières minutes et ce qui s'y passe n'a déjà plus beaucoup d'utilité au bout de vingt minutes. Pour planter le décor, rapidement je vous dirai, que l'on rencontre Joe Coughlin hospitalisé dans une prison, avec un énorme pansement sur le nez. Sa voix , en voix off, nous explique à quel point la première guerre mondiale a bouleversé sa vie. Elle l'a transformé en hors la loi.

Ce qui prendrait un film entier, ici est emballé en un quart d'heure, vingt minutes. Et cela vous annonce un marathon d’événements pénibles à venir.
Ce film est inspiré par le roman éponyme de Dennis Lehane, je voulais le lire avant d'écrire se billet, mais bon cette séance de ciné m'a vraiment découragée. Je n'ai pas trouvé le courage de le faire. Je voulais savoir si ce que je reproche au script qu'a écrit Ben Affleck y était déjà présent.

Le script m'a rendu impossible un quelconque sentiment d'empathie, ou l'immersion dans l'histoire. On suit un moment de la vie de Joe. Mais Joe n'est pas l'homme le plus cohérent dans ses décisions. Et donc l'histoire fait comme une balle magique, elle rebondit frénétiquement des que l'occasion se produit, nous laissant dans l'expectative.
Il y a une multitude de thèmes abordés: entre autre les traumatismes de la guerre; la place et l'utilisation de la femme par les réseaux mafieux, et dans la société des années 30; la drogue; l'alcool; la place de la religion; celle des prédicateurs; la rédemption, les rapports cuba-usa... mais à trop vouloir embrasser jamais rien n'étreint. Les sujets sont balancés mais aucun processus de réflexion n'est engagé.
L'histoire se compose d'un ensemble de situations. Mais il n'y a pas de fluidité dans la manière dont c'est raconté. Elles ne sont pas non plus traitées comme des moments phares mis en exergue. Elles sont juste accolées, un peu comme serait chapitré un livre...

Ensuite parlons de la réalisations qui ne pallie en rien les lacunes du scénario.
Dès les premiers moments du film Joe part dans une tirade concluant par «je ne suis pas un gangster». Et comme ce film marche dans les pas de cet homme. C'est donc un film qui n'est pas de gangsters mais avec tous les codes du genre...vive la schizophrénie!
Alors oui, je suis certaine que Ben Affleck a pris du plaisir à réciter ses gammes. Les gens pourront s’arrêter sur la magnifique photographie, le classicisme de ses plans, les plans fixes composés avec goût; mais ça n'aide en rien l'histoire.
A la fin je désespérais des couchés de soleil de Tampa, les longues marches sur la plage avec des scènes dignes des photos postées sur Instagram. Je m'ennuyais tellement que je m'amusais à déterminer si c'était une scène filmée en studio ou en extérieur. C'est vous dire mon taux d'ennuis.
Et comme si ce n'était pas assez lent, pour jouer la carte de la «charte du film de gangsters». Il y a la voix off , celle de Ben Affleck, monocorde, et blanche quelque soit le moment ou la situation. Rien n'est contrasté, ou souligné. Tu n'as vraiment pas envie qu'il te raconte une histoire.

L'acteur principal est Ben Affleck, monolithique qu'on lui tire une balle dessus, qu'il vive le pire moment de sa vie, ou qu'il soit avec les personnes qu'il aime. Rien ne passe. Son apparence est en adéquation avec ce qu'il renvoi. Et l'apparence qu'il choisit d'avoir me laisse plein d’interrogations. La coupe de ses costumes qui bien qu'elle soit sur mesure n'est jamais cintrée, ou le symbolisme à deux cents de leurs couleurs et de leurs formes... mais pourquoi?
Les seules qui ont fait du bien à mon petit cœur de spectatrice sont Zoé Saldana qui est à la fois sublime et dégage une force qu'elle fait passer par son regard ou la manière dont son corps se meut. 
Et Elle Fanning qui compose le rôle le plus complexe de ce film, en un minimum de temps. A chacune des facettes de Floretta, elle la créée à nouveau. Son corps plus ou moins voûté, son regard plus ou moins naif mais elle irradie toujours. Cette actrice est lumineuse.
Elles sont toutes les deux aidées par des costumes absolument sublimes qui complètent parfaitement leurs personnages.


Je n'ai pas aimé ce film. Il y a plein de belles choses, mais c'est une beauté plate. Je pense que l’extrême investissement de Ben Affleck (il a écrit le scénario, il l'a réalisé, il joue le rôle principal, il est la voix off, et c'est l'un des producteurs)a desservi ce film. Je suis certaine qu'il aime son film mais il manque un regard extérieur.

Tracks


TRACKS
de John Curran

Un film qui réunit Mia Wasikowska et Adam Driver est toujours un film qui trouve sa place dans notre maison. Nous nous sommes donc blottis l'un contre l'autre et nous l'avons découvert.

Tracksest tiré du roman de Robyn Davidson qui retrace son périple à travers le désert australien qu'elle traversa avec quatre chameaux et un chien noir. Au milieu des années 70, avec une idée ancrée en elle, elle débarque dans une petite ville frontalière du désert, pour apprendre à dresser les chameaux. Après plusieurs mésaventures et de belles rencontres dont celles d'un journaliste- photographe du national géographique elle commence son périple.

Le point fort de ce film est ses acteurs. Avant tout autre la talentueuse Mia Wasikowska qui déploie tout son talent pour porter ce film. Son jeu permet de créer des nuances à ce personnage assez monolithique et versatile. Elle lui donne un coté humain et cohérent avec luminosité et force.
Puis il y a les apparitions d'Adam Driver qui rythment le film. Sa grande silhouette ou celle de sa voiture, viennent rompre la monotonie de la ligne d'horizon et promettent de l'humain dans cette traversée. Sa voix qu'il modèle suivant les moments du film, tantôt rieuse et tonitruante; tantôt chaude douce et apaisante devient rapidement le refuge du spectateur. Même dans ces maladresses,il est touchant.

Et ça fait du bien! Car le personnage principal est aride. Je n'arrive pas bien à savoir si c'est le scénario et la réalisation qui provoque ce sentiment. Car en effleurant le pourquoi elle dit vouloir faire ça; sous la forme d'une catch phrase prononcée rapidement. Et en n'approfondissant pas ce qu'elle veut résoudre en réalisant cette traversée. Elle revêt l'aspect d'un jeune femme qui a une lubie et qui est capable de bouger des montagnes et de monopoliser les gens pour ça sans leur porter aucune attention.
Ou alors si c'est la personnalité de notre aventurière. ses choix laissent apparaître une femme complexe.

Elle peut être adorable avec les aborigènes qu'elle rencontre et avec qui elle partage un bout de route; quasi séductrice voire capricieuse avec le dernier homme «blanc» qu'elle croise dans son périple. Elle est ambivalente avec ses animaux, sauf son chien. Sur bien des points on s'aperçoit qu'elle a préparé son voyage de manière logistique. Mais tout ce qui touche à leur bien être et à la manière de prendre soins d'eux est un concept différent. Elle aime ses chameaux, mais à sa manière. Quant à ses réactions face au journaliste, elles sont très immatures. Ce sont jamais les mêmes; mais le plus souvent elles sont méprisantes alors qu'il se plie en quatre pendant tout le périple pour qu'elle puisse vivre son aventure. Allant jusqu'à traverser une partie du désert pour jalonner le trajet qu'elle a choisi de jerricans d'eau, car elle ne veut pas faire de détour pour localiser les points d'eau.
Une chose est sure c'est que la conjonction des deux ne favorise pas l'empathie ou même la sympathie envers elle. Mais il n'y a pas d'antipathie non plus; on la regarde évoluer, souvent étonné de son manque de jugeote. Le prince de ce blog me fait remarquer en riant que je n'ai pas parlé des animaux.Ils sont importants car ils sont le rare lien avec l'humanité de Robyn. Spécialement son chien qui fait ressortir, son meilleur coté. Puis comme elle est peu attachante on déplace notre attention sur eux.

La réalisation,on a beaucoup à dire dessus. Le voyage de Robyn est très peu exploité. Tout est énoncé au premier degré. Elle croise des aborigènes, au début du film la manière dont ils sont traités est mise en exergue, mais ce film ne dénonce rien, montre vaguement des choses qui ont un goût d'anecdote. C'est un loupé. Elle rencontre un couple au milieu de nulle part, mais on n'aborde pas le pourquoi ils vivent là... elle joue au scrabble. Dès les premières minutes il y a des embryons d'idées à développer qui auraient donné une épaisseur au film, mais ils restent là, à peine énoncés.

Rajoutez à cela cette manie de filmer Robyn (plus ou moins)nue. Alors oui, les années 70,c'est l'age d'or des paréos et de la nudité mais je n'ai pas vraiment trouvé d'utilité a cette prise de positions. Mais Mia est sublime et ça ne gâche rien, c'est juste racoleur.
Je finirai par la photographie. Je suis sûrement trop gâtée par les films que j'ai vu, ou les images sont composées avec soins. La,c'est le désert, ça devrait être majestueux, la lumière devrait être éclatante. Mais non c'est simplement beau, c'est tout! N'attendez pas une créativité à la manière de La Isla Minima, tout est filmé à hauteur d'homme ou de chameaux. Les seules belles images, les seules vraiment audacieuses sont celles qui représentent les photographies qu'a fait Rick. La volonté de retrouver ses couleurs, ses lumières, sa compositions enrichissent ces moments du film

Je suis déçue, Tracks est le film que j'aurai aimé aimer. Mais finalement je n'en garde que la prouesse des acteurs. Et la découverte des photos de Rick Smolan que je vous conseille d'aller voir et attardez vous sur celles qu'il a fait de Robyn.


Détour


Harper, un jeune étudiant, déteste son beau-père, responsable d’un accident qui a plongé sa mère dans le coma. Un soir, alors qu’il noie son chagrin dans l’alcool, il élabore un plan avec un voyou et une stripteaseuse pour l’assassiner. Le lendemain, à peine remis de sa cuite, Harper n’a pas le temps de se souvenir de sa rencontre qu’il se retrouve embarqué dans une virée vengeresse, contraint d’assumer ses choix…

Détour – 14 Mars 2017 – Réalisé par Christopher Smith


[Concours] Détour: 2 blu-ray à gagner
Christopher Smith est un cinéaste britannique qui officie le plus clair de son temps dans le cinéma de genre. Et c'est lors de ma découverte de son survival « Severance », que j'ai pu constater l'étendu de son talent. Un cinéaste qui n'a jamais cessé de m'étonner notamment avec le tortueux « Triangle » et aussi l'intriguant « Black Death ». Si ses films ont souvent l'honneur des festivals, ils ne sortent pratiquement jamais en France au cinéma et le dernier en date « Detour » ne fait pas exception à la règle.

Harper est un étudiant comme les autres, du moins en apparence. Suite à un accident de la route, sa mère est tombée dans le coma et comme son beau-père n'est pas présent, c'est lui qui fait tout son possible pour la réconforter et lui donner tout l'amour dont elle à besoin. Depuis ce jours là, il voue une haine sans borne à son beau-père qu'il considère comme l'unique responsable. Un désamour qui ne va pas en s'arrangeant, car les médecins ont annoncé à Harper que ça mère allait de plus en plus mal et que la fin était proche. Désemparé par ces nouvelles, il part se saouler, ivre il rencontre Johnny, un petit malfrat qui lui propose de se débarrasser de son beau-père, en lui promettant que tout se passera bien. Le lendemain, alors qu'il a décuvé, Harper voit Johnny et son amie Cherry devant chez lui; d'un coup il se rappelle sa promesse et ne sait plus quoi faire, tuer ou ne pas faire tuer son beau-père …

Je ne peux pas me prononcer sur son précédant film « Get Santa », mais ce « Detour » est un pur film de genre qui ne dénote absolument pas avec le reste de sa filmographie. C'est glauque, tortueux et radical. Et c'est un peu à la manière de « Triangle », que ce thriller efficace transcende son histoire, par une forme absolument délicieuse, donnant au film, l'aspect d'une farce macabre à laquelle on ne peut échapper …

Comme pour l'ensemble de ses films, le scénario est écrit par Christopher Smith. Ici il est question de vengeance, de choix et de responsabilité par le prisme d'un personnage aussi paumé que manipulateur, en la personne de Harper. L'intrigue est alors simple et c'est peut être son seul handicap, à savoir que hormis le choix « tuer ou non son beau-père » qui se pose à Harper, il n'y a rien de bien palpitant ! Mais grâce a une forme qui ne manque pas d'intelligence, il arrive à nous titiller à instiller le doute dans nos propres convictions. Que ferait-on ? Que choisirait-on ? Et est ce que l'on assumerait nos actes ? Une seule réponse à ça « Quand tu décides de te venger, creuse deux tombes, une pour ton ennemi et une pour toi ».

Bref vous l'aurez compris, l'histoire n'est pas très passionnante, sauf que Christopher Smith a deux atouts pour lui qui sublime son scénario, la mise en scène et le montage. C'est vraiment là que le film se révèle brillant. Le réalisateur nous embarque dans un pur exercice de style qui se révèle assez radical, soit vous adhérerez, soit vous resterez sur le coté et personnellement j'ai adoré ça. La composition des plans jouent sur la dualité que l'histoire nous vend par une construction habile de l'image. Puis il y a l'utilisation des nombreux split-screen (écran partagée) qui nous montre les deux points de vues de l'histoire d'Harper, soit séparément ou simultanément, un personnage part, un autre arrive, une info est acquise dans l'un mais transmise dans l'autre … Et ensuite c'est le montage fabuleux signée Kristina Hetherington qui finit de nous mener par le bout du nez et franchement c'est brillant, car ce n'est pas juste pour épater la galerie, mais bien pour maîtriser son rythme et son suspense …

A cela on peut rajouter, un travail plutôt sympathique du directeur de la photo Christopher Ross, qui apporte à l'image toute la chaleur et l'aridité des paysages que l'on traverse. La musique a aussi un rôle que la bande originale assume avec brio, notamment en accentuant le chaos qui anime le personnage de Harper. Quant au casting, on trouve Emory Cohen qui joue le caïd du coin, un brin cliché mais plutôt étonnant dans le dénouement final, révélant un personnage plus fragile qu'il n'y paraît. Bel Powley a aussi droit à un personnage stéréotypée, celui de la soi-disant « prostituée », un classique du genre qui n'est pas flatteur pour l'actrice, mais comme pour Emory Cohen son traitement s'améliore au fur et mesure que le film avance, plus assuré et plus fort. Pour finir, il y a Tye Sheridan, un acteur qui monte et qui se fait une place confortable à l'ombre du panneau Hollywood. Loin de tout ça ici, il incarne Harper, un jeune perdu par le poids des responsabilités, qui se montre de plus en plus ambiguë et c'est constamment sur le fil que l'acteur nous entraîne pour mieux nous cueillir !

Excellent exercice de style maîtrisé par Christopher Smith !


Les Figures de l'ombre

"De gauche à droite: Dorothy Vaughan, Katherine Johnson et et Mary Jackson"

Le destin extraordinaire des trois scientifiques afro-américaines qui ont permis aux États-Unis de prendre la tête de la conquête spatiale, grâce à la mise en orbite de l’astronaute John Glenn. Maintenues dans l’ombre de leurs collègues masculins et dans celle d’un pays en proie à de profondes inégalités, leur histoire longtemps restée méconnue est enfin portée à l’écran.
Les Figures de l'Ombre – 8 Mars 2017 – Réalisé par Theodore Melfi

Lorsque j'ai vu le film « Queen of Katwe », je n'ai pas seulement découvert la vie d'une jeune femme devenue une championne d'échec, mais aussi celui d'un modèle pour les jeunes filles et pour les femmes de la communauté noire. Ce jour là, j'ai réellement compris ce qu'une meilleure représentation des minorités au cinéma pouvait apporter dans la construction d'une personne et d'une communauté. Alors oui, je pense que peu importe la couleur de peau, on peut s'identifier à tel ou tel personnage de fiction ou encore à une personnalité, mais quand la société vous indique implicitement que vous n'existez pas ou que vous ne comptez pas, ce n'est pas acceptable
Et militer pour plus de représentation à tous les niveaux est un acte essentiel dans nos sociétés occidentales, multi-culturelles et ouvertes au monde, qui se doit ne pas aimer que leurs argents, leurs voix ou leurs soutien.

Le cinéma quant à lui essaye de faire sa mue, ce qui n'est pas aisé, mais il nous gratifie de films essentiels, de films brillants, comme « Queen of Katwe » cité plus haut, « Selma » de Ava Duvernay, le tout jeune oscarisé « Moonlight » ou encore « Les Figures de l'Ombre ». Ce film met en lumière l'histoire peu connue de trois brillantes scientifiques afro-américaines qui ont participé au programme Mercury et à la conquête spatiale. Elles s'appellent Katherine Johnson, Dorothy Vaughan et Mary Johnson et ce sont les héroïnes du film dont je vais vous parler.

Des son plus jeune age, Katherine Goble révèle des facilités étonnantes pour les sciences. Un don que ses parents vont encourager, faisant d'elle une brillante mathématicienne. 1962, Katherine travaille à la NASA avec Dorothy Vaughan et Mary Jackson au centre de recherche Langley. La première travaille sous les ordres de Dorothy Vaughan, superviseur d'un groupe de « calculatrices humaines » qui ont en charge le calcul et la vérification des différentes données nécessaires pour les vols que la NASA prépare. Quant à Mary Jackson qui aspire à devenir ingénieur, travaille dans un groupe qui planche sur l'intégrité de la capsule qui servira lors des vols. Mais ces trois amies, ces trois brillantes scientifiques doivent aussi composer avec la ségrégation qui à encore cours dans l'état de Virginie. Une difficulté qui leurs rendent parfois la vie pénible, les renvoyant systématiquement à leurs couleurs de peau et les cantonnant ainsi à un espace, une porte ou un poste. Une situation inacceptable dont elles s'accommodent pour mieux la combattre et prouver que rien n'est impossible …

C'est au final un film qui détonne autant qu'il étonne, « Les Figures de l'Ombre » sans jamais transcender sa forme, ne tombe pas dans l'écueil du film calibré à 200 % pour les Oscars (Coucou Argo ou The Artist !). Le réalisateur Théodore Melfi est ainsi l'enseignant que l'on aurait aimer tous avoir, proche de son sujet, jamais lourdingue et qui a compris qu'il fallait intéresser son auditoire sans l’assommer par un cours magistral. On se retrouve alors avec un feel-good movie, une bande originale entraînante et un trio d'actrices phénoménales, pour un résultat instructif et surtout enjoué … 

« Les Figures de l'ombre » ou « Hidden Figures » est l'adaptation du livre éponyme de l'autrice Margot Lee Shetterly. Particularité de cette adaptation, lors du deal entre le studio et l'éditeur du livre pour les droits, l'autrice n'avait pas encore fini de l'écrire. De ce fait le scénario du film occulte le portrait d'une quatrième femme « Christine Darden » présente dans le livre. Preuve si il le fallait du nombre d'histoires similaires que Margot Lee Shetterly a déterré, en commençant par celle de Katherine Johnson. D'ailleurs depuis Octobre 2014 elle s'est engagée sur un projet ambitieux, « The Human Computer Project » qui va rassembler les histoires, les anecdotes et bien d'autre choses sur les mathématiciennes ayant collaborées aux programmes aéronautiques et spatiales des Etats-Unis dans un musée virtuel ( http://thehumancomputerproject.com/)

Co-écrit par Theodore Melfi et Allison Schroeder, le scénario se concentre sur les quelques mois précédant le premier vol orbital d'un américain pendant le programme Mercury lancé en 1958. Le scénario suit donc Katherine Johnson, Mary Jackson et Dorothy Vaughan a des postes clés pour la réussite du programme. Katherine Johnson se trouve dans le « Space Task Group » et vérifie les calculs à chaque étape du développement; Mary Jackson est avec les ingénieurs qui mettent au point la coque de la navette friendship et Dorothy Vaughan mets en service le premier ordinateur IBM et apprend le langage de codage associé.

Une première facette de l'histoire, centrée sur leurs travaux, qui est complétée par l'autre aspect fondamental du récit, celle de leurs vies de femmes dans l’Amérique ségrégationniste.
Le scénario retranscrit à merveille ce que l'autrice du livre rapportait, à savoir que ces femmes savaient qu'elles n'avaient pas les mêmes droits, sauf que cela importait peu pendant le travail qu'elles exécutaient. Il en est de même dans le film; le racisme, le sexisme et toutes les injustices liées à la ségrégation et aux lois Jim Crow sont rappelées par touches ! Quand il s'agit de travail, les différences n'existent pas; par contre des qu'il s'agit de simplement aller au toilette, il faut que Katherine Johnson se déplace dans des toilettes réservées aux personnes de couleurs; le réfectoire séparé au moment des repas; la cafetière séparée pour K. Johnson; les remarques sur le fait qu'elles soient des femmes qui travaillent et qu'elles feraient mieux de s'occuper de leurs enfants; les trois amis tombent en panne, le policier qui passe n'a que dédain et méfiance, jusqu'au moment ou elles montrent leurs badges de la NASA; le racisme de la supérieure de Dorothy Vaughan qui ne « croit pas être raciste » ou encore les entrées spécifiques réservées aux personnes de couleurs dans les bâtiments publics… 

Un mélange entre ces deux aspects de leurs vies qui fait tout le sel de ce film. Theodore Melfi raconte certes une histoire pleine d'espoir, de force et de détermination; mais il n'oublie pas de montrer cette société en pleine mutation, qui d'un coté fait la course pour envoyer un homme sur la lune, alors que pendant ce temps la, elle stigmatise la communauté noire en les traitants comme des citoyens de secondes zones. Un changement que le réalisateur accompagne en s'appuyant sur des actes fondateurs dans le récit. D'abord pour les personnages principaux, avec le rôle de Katherine Johnson dans la préparation du vol de John Glen, la maîtrise du langage FORTRAN par Dorothy Vaughan ou encore le diplôme d'ingénieur de Mary Jackson qui devient la première femme noire ingénieure. Puis par des changements symboliques portés par les personnages secondaires, comme la destruction d'un panneau «wc pour personne de couleur » par Harrison, ou encore les encouragements de Karl Zielinski envers Mary Jackson qui la pousse à passer son diplôme d'ingénieur ( rôle basé sur le mentor de celle-ci, l'ingénieur polonais Kazimierz Czarnecki).

Si le scénario aurait certainement pu être plus pousser, plus précis et encore plus engagé, il a cette qualité de nous amener vers un territoire inconnu qu'est l'histoire de ces “Figures de l'ombre”. Une histoire hors du commun, bercée par les rythmes pop de la star Pharell Williams que le réalisateur emballe avec classicisme, mais avec une énergie débordante ! Feel Good movie oblige, le film n'est pas là pour culpabiliser ou accuser (même si il ne laisse aucun doutes sur l'époque en question et sur ce qu'il reste à faire dans désormais l'Amérique de Donald Trump), mais bien pour nous inspirer tous, nous pousser vers l'avant, nous forcer à voir plus loin et à toujours croire dans nos rêves les plus fous. Cela oscille entre des notes d'humours, d'amours et de courages, sans que rien ne prennent le pas sur l'un ou l'autre. Les deux heures que durent le film passent à une vitesse folle, c'est bien rythmé, bien raconté et il sait amener l'émotion quand il faut. Visuellement le film est assez joli, la direction artistique de Wynn Tomas nous emmène dans les années 60 avec aisance et la photo de Mandy Walker marque bien la différences entre les deux vies des trois personnages principaux.

Quant au casting, je n'ai que des louanges à dire dessus ! On retrouve un certain Kevin Costner qui est définitivement à l'aise dans les années 60. Il joue le rôle de Harrison, le superviseur de Katherine Johnson et il incarne avec conviction le patron bienveillant. Puis il y a aussi Jim Parsons dans le rôle de l'ingénieur en chef du « Space Task Group », une composition discrète mais efficace et enfin le sympathique Glen Powell dans le rôle d'un John Glen élégant et affable. N'oublions pas Kirsten Dunst qui hérite d'un rôle ingrat et mal écrit dans celui de la superviseuse raciste de service qui s'ignore; c'est sans surprise mais cela reste efficace si l'on aime les clones d'Hillary Clinton. Il y a aussi le tout fraîchement oscarisé pour sa prestation dans Moonlight, monsieur Mahershala Ali. Cet acteur joue Jim Johnson, le futur mari de Katherine Goble. Une prestation discrète mais pleine de charme. Ensuite voici les visages des trois « Figures de l'ombre ». Taraji P. Henson interprète le rôle de Katherine Johnson, Octavia Spencer celui de Dorothy Vaughan et Janelle Monae celui de Mary Jackson. Trois actrices fabuleuses, une débutante (Janelle Monae), deux plus expérimentées, mais la même volonté de s'effacer derrière le rôle qu'elles doivent composer, conscientes de l'héritage qui pèse sur leurs épaules. On sent toute cette force, cette rage et cette volonté de tout renverser, une abnégation qui force le respect et qui rend hommage à ces grandes dames que je ne connaissais pas avant de voir le film. 

Mon coup de cœur de ce début d'année !

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While We're Young


WHILE WE'RE YOUNG
de Noah Baumbach


Il est bien vu lorsque l'on commence un billet de gentiment introduire le film et ce que l'on en a pensé... mais là je suis pressée de partager tout le mal que je pense de ce film, alors je me permets d'oublier cette contextualisation.

John et Cornelia sont des quadra qui travaillent tout les deux dans le domaine du documentaire, elle en produit, lui en fait. Ils vivent dans une belle maison dans un quartier chic de New-York. Un jour au détour d'une conférence assez pitoyable ils rencontrent Jamie et Darbie, lui aussi veut faire des documentaires et elle, elle vend des glaces. Tous les deux sont jeunes et branchés. Ils vont devenir amis.
Au début du film on ne sait pas bien, si le but est de faire un portrait de deux générations ou une comédie. L'un des couples va doucement vers les quarante cinq ans, et l'autre flirte avec la trentaine, vous trouvez que c'est cliché? C'est le début
Car les personnages sont hyper stéréotypés, c'est évident on est hype que lorsque l'on a un chapeau , des chaussures pointues et un vélo. Rien ne nous est épargné le petit bar à la mode, qui est le vieux QG du grand père, la coloc à moitié nue, le gourou échappé des années 70...

Tout cela est déjà assez pénible mais il faut ajouter le microcosme ou se passe le film. Ce sont quand même des gens aisés, John qui est sensé faire la course aux subventions vit avec sa femme dans un appartement que tout new-yorkais voudrait avoir. Quant à celui des «jeunes», il fait rêver, autant en lui même que par tout ce qu'il contient. Le concept de difficultés à finir le mois n'est clairement pas le même que pour le commun des mortels.Ensuite je suis assez étonnée du coté si peu cosmopolite de ce portrait de New-yorkais. Mais dans quel endroit à new york on ne trouve que des gens blancs. Les blacks ne sont présent que quand il faut parler d'adoption et quand on voit les vieux reportages du père de Cornellia ou il suit une famille dans les années 60.
C'est dérangeant. Tout autant que l'est le discours sur la famille et la maternité.
Tout est la faute de la femme qu'on se le dise. Si elle ne peut pas avoir d'enfant, c'est que dans le fond elle n'en veut pas car elle est égoïste. Si elle n'a pas envie d'avoir d'enfant, si les ateliers d'éveils musicaux pour les bébés la déprime, si ce n'est pas son truc et qu'elle aspire à autre chose c'est qu'elle se ment sur sa vie. Qu'elle ne doit pas être bien dans ce qu'elle vit, et avoir des problèmes d'identités.

Les hommes sont faibles, veulent se faire aimer. Dans ce film avoir un quelqu'un qui vous adule et qui veut apprendre de vous est clairement mis sur le même plan que le fait d’être père. Rajoutez à cela que lorsqu'il y a un bébé le père subit et la femme s'épanouit... vous aurez une idée de la vision de la parentalité et de la femme dans ce film. Non, elle peut aussi être une merveilleuse potiche et faire valoir comme Darby, au premier comme au second degrés dans ce film.
La réalisation, j'ai déjà commencé à en parler, elle n'est pas fine. Les oppositions sont grossières. L'intrigue du film est prévisible, le climax est un pétard mouillé. Et le discours sur l’authenticité passe au mieux pour le moment de «bons sentiments» du film.
L'humour est en général un comique de situation. Comme tout est vu et revu dans ce film il tombe souvent à plat.
Parlons un peu des acteurs, Ben Stiller fait du Ben Stiller, je ne suis pas fan. Je trouve que c'est toujours surjoué. Là il n'est pas aidé par le film, mais ça ne change pas mon avis sur lui. Quant à Naomi watts, a aucun moment j'ai ressenti de l'empathie avec elle. Elle est fade, et assez peu convaincante.

Le bon point va au couple de jeunes qui s'en sortent malgré la direction d'acteurs. Amanda Seyfried avec son peu de temps à l'écran arrive à composer cette jeune femme dynamique, et lucide. Ses rares apparitions sont toujours clés, et elle est lumineuse et charismatique. Adam driver arrive à faire oublier les décisions de la réalisation sensées nous donner des indications sur le film. Sa manière de prendre les cigarettes, de mettre son chapeau, tout semble faux mais le charisme et son jeu épuré balance ces décisions et créé un personnage intéressant.

Ce film est à oublier. Je n'arrive pas à trouver quelque chose qui pourrait tempérer mon propos. 

Lion



LION
de Garth Davis


Sans les oscars et les autres récompenses, je n'aurai jamais donné sa chance à Lion. La promo française a su annihiler toutes envies chez moi. Les quatre par trois ou les visuels disparaissaient sous une typo aux couleurs flashies hurlant «le nouveau slumdog millionaire», c'est pas ma came. Alors que j'ai adoré ce film de Dany Boyle.
Puis il y a eu toutes ces récompenses, le discours bouleversant de Dev Patel, et l'affection que j'ai pour cet acteur ont su faire naître l’intérêt, mais c'est la bouille de Sunny Pawar qui a su me conquérir. Je me suis donc installée devant ce film sans savoir ou j'allais.

Saroo est un petit bonhomme de cinq ans qui suit comme son ombre son grand frère Guddu. On les rencontre en train de chiper du charbon dans un train (pour être précise la scène d'ouverture est plus poétique, mais je vous laisse la découvrir). Ils vont revendre ce charbon au marché, et avec cet argent ils achèteront du lait pour leur maman et leur petite sœur. Mais la vie est difficile, et la maman doit laisser ses enfants pour aller travailler. Guddu quant à lui, en tant que grand frère responsable, part pour plusieurs jours pour un travail de force dans une ville éloignée. Mais saroo se sent assez fort pour travailler avec son frère et aider sa maman. Il fait un numéro de charme, et fini par obtenir ce qu'il veut.
Guddu qui doit avoir entre douze et quatorze ans est un grand frère aimant et attentionné. Mais une fois arrivé à destination, le titou n'arrive pas à se réveiller, il le laisse dans une gare le temps de travailler. Mais Saroo se réveille et se réfugie dans le wagon d'un train. Wagon qui est fermé et est rapatrié pendant plusieurs jours jusqu'à Calcutta. C'est là que commence son existence d'enfant des rues.
Saroo n'est pas un personnage de fiction. Il est l'auteur d'une autobiographie qui raconte une partie des sa vie et dont est inspiré ce film. C'est cette histoire qui nous est contée.
Celle d'un homme hors du commun qui a retrouvé le chemin de sa petite enfance en sachant retrouver ses souvenirs de tout petitou et avec Google earth. Il est un homme à l'image de l'enfant qu'il était, exceptionnel. C'est presque un privilège de connaître son histoire et d'entendre ce qu'elle dit de notre société.
Ce film aborde des thèmes plus larges ce n'est pas juste un biopic.
Il a un discours sur la famille. Une famille qui n'a pas une forme traditionnelle. La vision de la maternité qui est importante dans ce film est assez originale. j'aime ce qu'il découvre de sa mère adoptive. Je suis admirative de sa liberté, de ses choix et de l'amour qu'elle donne. Elle rafraîchit l'imagerie qu'il y a autour de l'adoption à l'étranger, de l'adoption tout court, et même de ce qu'est la maternité. Cette femme est un exemple.
Sa maman indienne est tout autan extraordinaire, elle tient debout dans les pires circonstances. Elle survit a des situations que je ne suis pas sure de pouvoir encaisser. Elle élève seule, ses enfants dans une pauvreté sans nom.

N’interprétez pas mal mon emballement, leurs portraits sont nuancés spécialement celui de Sue sur qui on s'attarde le plus. Mais ce qui en ressort c'est la force de ces femmes, et l'amour qu'elles donnent à leurs enfants. Ces familles ont des niveaux de vie, et des milieux diamétralement opposés. Mais ce qui est commun c'est l'amour qu'elles portent à Saroo.
L'amour est au centre de ce film.
L'amour d'une famille comme je viens de le dire, dont l'inquiétude pour un enfant les bouffe. Et jamais un père et une mère n'auront jamais été aussi heureux que lorsque leur enfant trouvera la paix.
C'est aussi l'amour fraternel. Quoi qu'en dise le personnage principal, il est aussi inquiet pour son petit frère d'adoption qu'en imaginant l'inquiétude de Guddu. Il veille le sommeil de l'un comme il chérit le souvenir de l'autre.
Il y l'amour d'un homme et d'une femme. D'abord celui des parents qui font blocs, et qui agissent en osmose. Ou celui de Saroo et de son amoureuse. Ce couple qui implosera sous la douleur de cet homme, sous sa volonté à lui de traverser cette épreuve tout seul. Mais cet amour qui rend cette femme si compréhensive et toujours présente. Ce film fait le portrait de notre société et de ses travers. Il se fait l'écho de tant de nos problématiques actuelles par le prisme de la vie de cet homme.

Pour servir ce film, il y a deux acteurs absolument merveilleux. Ce sont eux qui prêtent leurs traits à Saroo, ce sont Sunny Pawar et Dev Patel. Sunny Pawar qui porte bien son prénom est lumineux et très attachant. Il m'a étonné par la maîtrise de son jeu et son charisme. Il arrive à incarné un enfant dans une telle détresse avec un sourire et des yeux tristes qui m'ont arrachée le cœur. il est si jeune et si inexpérimenté pour porter seul une partie du film. Mais il le fait crânement et avec justesse.
Puis il y a Dev Patel , qui du haut de ses vingt six ans a déjà démontré son talent; Il compose son personnage avec finesse et sensibilité. Il retrace l'évolution de cet homme avec justesse. Il est bouleversant.
Je glisserai un petit mot sur Nicole Kidman, dont je ne suis pourtant pas fan, et qui incarne sue la mère adoptive. Je suis impressionnée par son second rôle ou elle accepte de ne pas apparaître sous son meilleur aspect soit avec une coiffure indescriptible, ou vieillit et marquée par la vie. Dans toutes les scènes ou elle apparaît elle ne tire pas la couverture à elle. Elle créé une femme d'une sensibilité exacerbée et à mes yeux une femme exemplaire dont on pourrait s'inspirer.
Il y a cependant des bémols dans ce film, pour moi c'est majoritairement sur la forme. La chronologie est mal développée à mon goût. 
Le film est formellement divisé en deux une ou le héros est enfant et la période couvre les deux ans et demi, entre le moment ou il se perd et celui ou il est adopté en Tasmanie. Puis une fois adulte du moment ou naît son mal être à son retour en Inde dans son village d'origine. Ce qui me gène c'est la non stigmatisation des moments. Par exemple dans la période ou il est enfant il aurait aussi bien pu se passer quinze jours, six mois ou cinq ans. Rien ne marque le temps qui passe. 
Je peux interpréter que ce floue est là pour nous faire marcher dans les pas de cet enfant qui lui même ne perçoit pas le temps qui passe. Mais c'est pareil pour lui adulte, on comprend qu'il s'écoule du temps dans cette partie du film. Mais il est difficilement matérialisable et à partir du moment ou il se sépare de son amoureuse il n'y a plus rien qui nous indique le temps qui passe. Est ce que ça a duré des mois ,des années, je suis incapable de le dire.
De même Saroo à retrouver son village avec Google earth et ses souvenirs. On ne voit quasiment pas ces recherches; je comprends que ce soit chiant google à l'écran; mais on ne voit que peu ses flashbacks. Ils sont peu utilisés, c'est surtout de son mal-être dont nous sommes témoin. la recherche apparaît concrétisée par un tableau et des punaises...

Saroo Briezly a créé une organisation pour les enfants des rues de Calcutta. Dans ce film il y a une volonté de raconté ce qui se passe, et probablement de retracer une partie des souvenirs de cet homme. Mais c'est assez mal amené, et ça fait un chouia catalogue. C'est aussi le cas dans l'orphelinat ou on a vraiment l'impression d'une galerie de portraits plutôt que d'un moment clé de l'histoire. C'est un peu triste.
Puis finalement je parlerai des couleurs et de la lumière.
Je trouve ça un peu facile l'utilisation de lumières chaudes et des gammes de couleurs jaunes et ocres dans les périodes ou le film se situe dans le petit village indien, et les tons verts, gris et brumeux qui dominent les moments en Tasmanie.


Ce film est imparfait, mais je m'en fous ses qualités ont surclassés ses bémols. Écrire dessus à fait renaître la boule au ventre qui ne m'a pas quittée pendant le film. Il va rester longtemps en moi, et laissera dans mon âme une petite cicatrice.